Cette diminution subite de l'offre est essentiellement due au grand rush des citoyens pour changer leurs dinars. Les premiers méfaits de la décision prise par le gouvernement de recourir à la planche à billets pour tenter de juguler la crise financière, commencent à se faire sentir sur la scène socio-économique du pays. L'impact est tellement foudroyant et direct qu'il a engendré aussitôt une flambée inédite sur le marché noir des devises du square Port-Saïd d'Alger. Hier, l'euro a dépassé pour la première fois, la barre symbolique des 200 DA ! La monnaie européenne s'échangeait dans cet espace financier informel à 230 DA. Pour acquérir 100 euros, l'acheteur doit donc débourser 23 000 DA ! Un seuil jamais atteint depuis le début de l'histoire de cette "bourse parallèle" très active au cœur de la capitale. Personne parmi les cambistes ne voulait s'exprimer au sujet de cette hausse impromptue de l'euro. "Je ne suis qu'un simple employé. Je n'ai pas d'explication à vous donner", déclare Mohamed, la cinquantaine révolue, rencontré en face du café qui sert de lieu de négoce et de transactions. Par sa façon de parler, notre interlocuteur veut incarner le rôle de cet agent qui discute avec sérieux et aisance de son métier derrière son bureau. "Nous n'y sommes pour rien, nous. Nous serons les premiers à subir l'inflation qui découlera de cette importante hausse de l'euro. Ainsi, la boîte de Doliprane que nous achetions jusque-là à 100 DA, nous sera proposée à 200 DA", indique-t-il. Ce courtier informel précise que l'euro était vendu samedi dernier à 193 DA. En l'espace d'une journée, sa cotation a augmenté. Son collègue Nassim, un autre revendeur, n'en dit pas plus. Les traits de son visage cachent mal sa méfiance à notre égard. En dépit des présentations faites, il semble ne pas être convaincu et les quelques furtifs mots qu'il prononce en guise de réponse confirment son appréhension par rapport à notre présence sur les lieux. "Je ne suis pas en mesure de vous donner les origines de cette flambée", se contente-t-il de dire, une manière de mettre un terme à la discussion. Les autres cambistes tiennent le même langage. Hier, comme à l'accoutumée, en plein jour et devant des policiers, sans être aucunement gênés ou inquiétés, de nombreux cambistes, au vu et au su de tous, vendent et achètent des devises. À vrai dire, ces derniers composent la catégorie de personnes, des habitués de cette place financière informelle, qui rachètent les devises en troisième main et les revendent en fixant des marges bénéficiaires. Ils sont approvisionnés en devises tôt le matin par des "patrons" qui leur fixent le taux de change en toute liberté et de manière unilatérale. Ces gens font partie d'un réseau puissant qui a accaparé le marché noir des devises à travers tout le territoire national, depuis de longues décennies. Leur présence au square est très courte. Ils quittent la place à 11 heures, après avoir alimenté le marché. Ce sont les revendeurs en deuxième main qui prennent le relais ensuite. Ces barons profitent de cette période de doute qui caractérise actuellement la situation financière du pays pour imposer leur diktat et gérer comme bon leur semble le marché noir des devises. L'euro a franchi le seuil des 200% car il est constaté ces derniers jours, une raréfaction de cette monnaie sur les places boursières parallèles, implantées à l'échelle nationale. Cette diminution subite de l'offre est essentiellement due au grand rush des citoyens pour changer leurs dinars en monnaie européenne, à la recherche d'une valeur refuge. La dévaluation que continuera à subir davantage le dinar algérien, sous l'effet négatif de la planche à billets, a provoqué un vent de panique au sein des Algériens qui ont amassé quelques économies. Le discours comminatoire du Premier ministre a créé en eux une certaine crainte. Ils ont tout simplement peur pour leur argent. Il a suffi d'une simple intervention orale de M. Ouyahia devant les députés, pour que des citoyens cherchent d'autres placements refuges à leurs capitaux. L'on s'interroge d'ores et déjà sur les répercussions, voire les chocs que connaitra la scène économique du pays une fois la réglementation relative à ce financement non conventionnel entrée en vigueur...Cette plongée du dinar a créé une forte demande de l'euro au square. Cependant, certains observateurs pensent que ce pic atteint par l'euro ne peut aller au-delà des 300 DA sinon, il n'y aura pas assez d'argent à échanger. B. Khris