Deux experts de l'ONU en matière de droits de l'homme ont fait part, hier, de leur inquiétude devant le projet de loi antiterroriste en France, susceptible de pérenniser les mesures d'urgence introduites en 2015 et d'établir ainsi en droit un état d'urgence permanent. "La normalisation par ce projet de loi des pouvoirs d'urgence menace gravement l'intégrité de la protection des droits en France, tant dans le cadre de la lutte contre le terrorisme que plus largement", a averti l'experte des droits de l'homme des Nations unies, l'Irlandaise Fionnuala Ní Aolain, dans un communiqué diffusé par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU. Son collègue, le Français Michel Forst, rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l'homme, a fait part de son inquiétude quant à l'impact de ce projet de loi sur le travail des défenseurs des droits de l'homme en France, selon le communiqué. Le projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, approuvé par le Sénat français en juillet, est actuellement débattu par l'Assemblée nationale. Mme Ní Aolain a adressé, le 22 septembre, une lettre au gouvernement français pour souligner que plusieurs dispositions du projet de loi menacent selon elle l'exercice des droits à la liberté et à la sécurité personnelle, le droit d'accès à la justice et les libertés de circulation, d'assemblée pacifique et d'association, ainsi que d'expression, de religion ou de conviction. "Alors que la France renforce sa lutte contre le terrorisme, le projet de loi comprend un certain nombre de mesures de sécurité qui intégreront dans le droit commun plusieurs des restrictions aux libertés civiles actuellement en vigueur dans le cadre de l'état d'urgence en France", selon l'experte. Pour elle, la durée de l'état d'urgence doit être limitée dans le temps, révisée régulièrement et répondre aux critères de nécessité et de proportionnalité. Les deux experts de l'ONU ont exprimé leur préoccupation quant au libellé vague selon eux de certaines dispositions du projet de loi, en particulier celles se référant aux notions de terrorisme et de menaces pour la sécurité nationale. Mme Ní Aolain, qui a pris ses fonctions en août, est la rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte contre le terrorisme. Les rapporteurs spéciaux travaillent sur une base volontaire. Ces experts, indépendants de tout gouvernement ou organisation, ne sont pas fonctionnaires de l'ONU et ne perçoivent pas un salaire pour leur travail. R. I./Agences