"Aux législatives, on nous avait menacés de retrait d'agrément si on ne participait pas et pour les locales, on lâche sur nous l'administration", dénonce Ahmed Adimi, responsable de la communication à Talaïe El-Houriat. Les jeux pour les élections des Assemblées locales du 23 novembre prochain sont-ils déjà faits ? Alors que la campagne électorale n'a pas encore commencé, que les listes définitives des postulants ne sont pas arrêtées, voilà que de plus en plus de voix, parmi "l'opposition", s'élèvent pour crier aux "entraves" et au "parti pris de l'administration" en faveur des partis du pouvoir, c'est-à-dire au profit du FLN et du RND. Dernière voix en date, et non des moindres, qui vient s'ajouter à cette partition : celle de Talaïe El-Houriat de l'ex-candidat à l'élection présidentielle, Ali Benflis. "Les entraves auxquelles nous étions confrontés dépassent tout entendement. Ils sont arrivés (administration, ndlr) jusqu'à rejeter des listes au motif que certains candidats portés sur les listes présentent un danger pour l'ordre public alors qu'ils n'ont jamais été condamnés ! Ils nous disent : ‘Vos listes ne passent pas !'". "La fraude est maintenant anticipée", a dénoncé Ahmed Adimi, chargé de communication au sein du parti, hier, lors d'un point de presse animé au siège du parti à Alger. Accompagné d'un spécialiste en droit, membre du bureau politique, Azouz Naceri, il a égrené un chapelet de "lacunes et d'obstacles" qui, à ses yeux, plombent et biaisent le processus électoral et témoignent du parti pris de l'administration. Changement des dates électorales d'un rendez-vous à un autre, non-respect de certaines dispositions de la loi électorale, comme le délai pour le dépôt des listes, incapacité de la Haute instance indépendante de surveillance des élections (Hiise) de "contrôler" la mise en œuvre de certaines dispositions contenues dans la loi, retard dans la délivrance des formulaires, la disposition imposant la collecte des signatures pour les partis ayant obtenu moins de 4% des voix exprimées lors de la précédente élection, qualifiée de "prime à la fraude", obstacles et bureaucratie pour la collecte des signatures, problème d'émargement, absence parfois de l'officier de l'état civil, alors que certains travaillant pour le compte des partis du pouvoir, mise en place dans certaines mairies de registres répertoriant les signataires, une "mesure dissuasive", exigence pour les signataires de leur inscription sur les listes électorales et, enfin, contrôle des formulaires "dans l'opacité la plus totale", sont autant de griefs relevés par les deux orateurs. "Sommes-nous dans une République ou dans plusieurs Républiques ?", s'interroge Azouz Naceri. "Dans une commune à Souk Ahras, le parti s'est vu rejeter une liste au motif qu'un candidat s'est présenté dans plusieurs listes mais "sans que le wali en fournisse la preuve". À Sétif et à Guelma, plusieurs listes sont rejetées au motif de la présence de candidats "représentant un danger pour l'ordre public ou pour avoir porté atteinte aux symboles de la République". À Mecheria, le wali de Naâma a rejeté la liste car deux candidats n'avaient pas mentionné la date de leur retraite ; même des recours sont rejetés, parfois, "au motif que certains candidats sont poursuivis par la justice", détaille Azouz Naceri. Cette situation confine le parti à ne pas disposer, pour l'heure, de statistiques définitives sur le nombre de wilayas et d'APC dans lesquelles il sera présent. "Nous étions partis pour être présents dans plus de 700 communes. Mais, pour l'heure, ce que nous pouvons dire, c'est que nous serons présents dans 41 communes et 13 wilayas. C'est une prouesse, un miracle à cause de tous les obstacles", affirme Naceri. "Ce pouvoir ne veut pas de changement, de bien à l'Algérie. Il y a des partis du pouvoir qui n'ont pas encore déposé les listes et qui continuent à les changer", déplore, pour sa part, Ahmed Adimi. Interrogé pour savoir si ce "verrouillage" n'est pas lié à l'enjeu de la présidentielle de 2019, Ahmed Adimi a observé qu'"aujourd'hui, il y a une vacance du pouvoir". "Le pouvoir est divisé et personne ne maîtrise la situation. Chaque wali veut montrer à ses mentors qu'il est plus royaliste que le roi. Je ne veux pas comparer ce pouvoir à celui des années 40 (allusion aux élections de Naegelen, ndlr). Aux législatives, on nous avait menacés de retrait d'agrément si on ne participait pas et pour les locales, on lâche sur nous l'administration", accuse-t-il. "Ce n'est pas une bataille électorale, c'est une guerre, l'enjeu étant 2019. Ce sont eux (les walis, ndlr) qui choisissent les listes, les têtes de liste...(...)", assure Adimi pour qui "le pouvoir applique aux partis le régime de l'indigénat". Au regard de cette situation, le parti va-t-il continuer ou se retirer ? "Nous irons jusqu'au bout même avec une seule liste. Nous sommes déterminés à imposer le droit." Talaïe El-Houriat a refusé de saisir la Hiise et également d'assister à la récente journée d'information organisée avec les partis car elle n'est "ni haute ni indépendante", résume Adimi qui rappelle qu'Abdelwahab Derbal, lui-même, fait le constat que la structure qu'il dirige est "inopérante". "Nous ne pouvons pas parler d'opposition avec un pouvoir qui ferme tous les champs. C'est plutôt de la résistance pacifique", conclut-il. Karim Kebir