Rangoon est accusé par l'ONU d'avoir planifié la campagne de répression militaire contre les Rohingyas pour expulser définitivement cette minorité musulmane de l'Etat de Rakhine, alors que l'UE rompt ses relations avec l'état-major de l'armée birmane. "Les attaques brutales contre les Rohingyas dans la partie septentrionale de l'Etat Rakhine ont été bien organisées, coordonnées et systématiques, avec l'intention non seulement de pousser la population en dehors de la Birmanie, mais aussi de les empêcher de revenir chez elle", a conclu une enquête diligentée par l'ONU. L'équipe d'enquêteurs onusiens, qui a interviewé des dizaines de réfugiés ayant fui vers le Bangladesh voisin après le déclenchement le 25 août d'attaques par des activistes rohingyas contre les forces de sécurité birmanes dans l'Etat Rakhine, qui ont provoqué la campagne de répression de l'armée, a abouti à cette conclusion. Pour rappel, plus d'un demi-million de Rohingyas ont fui depuis la fin août, selon l'ONU, soit la moitié de cette communauté musulmane apatride, installée en Birmanie depuis des décennies. L'enquête onusienne indique que "la dernière vague d'opérations de nettoyage militaires dans cet Etat de l'ouest du pays" avait en fait commencé avant le 25 août, peut-être début août. Ceci contredit les affirmations des autorités birmanes selon lesquelles la campagne de répression visait uniquement à répondre aux attaques des activistes. Par ailleurs, les enquêteurs ont dessiné les grandes lignes d'une campagne militaire destinée à éradiquer les Rohingyas de la Birmanie bouddhiste, où ils ont souffert de persécutions depuis des décennies. "Dans certains cas, avant et pendant les attaques, des mégaphones ont été utilisés pour annoncer : Vous n'êtes pas d'ici - allez au Bangladesh. Si vous ne partez pas, nous allons brûler vos maisons et vous tuer," lit-on dans le rapport de l'ONU. Des enseignants, ainsi que des responsables culturels, religieux et communautaires ont également été visés dans la récente campagne de répression "avec la volonté de rabaisser l'histoire, la culture et les connaissances des Rohingyas", poursuit le rapport. "Des efforts ont été entrepris pour effectivement effacer des repères dans la géographie du paysage et de la mémoire rohingya de telle façon qu'un retour sur leurs terres n'aboutirait à rien d'autre qu'à un terrain désolé et méconnaissable." Les conclusions de l'enquête sont basées sur les interviews de réfugiés arrivés au Bangladesh entre le 14 et le 24 septembre. L'ONU a précisé que les enquêteurs avaient parlé à des centaines de personnes au cours de 65 interviews, certaines individuelles et d'autres avec des groupes allant jusqu'à 40 personnes. À signaler que l'Union européenne a annoncé qu'elle va suspendre tout contact avec le chef d'état-major birman pour protester contre "l'usage disproportionné de la force" par l'armée contre les Rohingyas et "elle pourrait envisager des sanctions si la situation ne s'améliore pas". C'est ce qu'indique un texte, qui sera soumis lundi prochain aux 28 ministres des Affaires étrangères de l'UE, qui rejoint ainsi les Nations unies dans leur analyse selon laquelle la répression de l'armée vise à expulser une fois pour toutes les Rohingyas de Birmanie.