Sans se faire trop d'illusions sur l'issue des élections locales, le parti Talaie El-Houriat a participé pour la première fois à un processus électoral, depuis l'obtention de son agrément en septembre 2015. Au siège du parti, des membres du bureau politique et du comité central recueillent les nouvelles qui leur parviennent des militants sur les conditions de déroulement du scrutin. "On est nombreux à ne pas beaucoup croire à la nécessité de participer actuellement aux élections. Mais nous étions tenus de respecter le choix du comité central qui a voté à 55% pour notre participation et à 45% contre", rappelle Mohamed Benalia, membre du bureau politique. À Alger, la formation politique de l'ancien chef de gouvernement, Ali Benflis, a présenté cinq listes communales : Oued Koriche, Aïn Benian, El-Biar, Chéraga et Dely Ibrahim. Au niveau national, le parti a aligné des listes pour 14 APW et 41 APC, toutes chefs-lieux de wilaya. Azouz Nasri, cadre du parti, préjuge que le taux de participation sera très faible, mais qu'il sera gonflé pour donner de la contenance au processus électoral. "Dans tous les cas, je ne pense pas que cela va dépasser les 50%"."Nous ne sommes pas dupes. Nous savons que la fraude va être encore une fois consacrée. Notre participation a été imposée par la base et nous avons respecté la pratique démocratique au sein de notre parti", renchérit Mohamed Benalia. La fraude a commencé, selon ces cadres de Talaie El-Houriat, en amont. Au moment de la récolte des signatures et du dépôt des dossiers de candidature. Une étape durant laquelle le parti de Benflis a été victime d'intimidations afin de dissuader des citoyens d'accorder leur parrainage à ses listes et d'un rejet massif de dossiers de candidature, souvent confirmé par les juridictions de recours. "Pour être présent dans les 48 wilayas, il nous fallait 1 million et demi de signatures et pour parer à tout rejet, nous devions récolter pas moins de 4 millions de signatures de parrainages. Nous avons été confrontés à des rejets irréguliers de candidatures. La participation de notre parti à ce scrutin n'était pas tolérée par l'administration", avance Azouz Nasri. Ahmed Adimi, lui, cite notamment le cas d'un cadre à Téleghma qui a été renvoyé par le chef de daïra parce que sa femme était candidate de Talaie El-Houriat. Il ajoute : "À Blida, il nous fallait 2 150 signatures de parrainage. On en a déposé 5 058. Le juge nous a dit qu'il a accepté 1 550 et rejeté 1 425. Où est passée la différence ? Cela est consigné dans une décision de justice." Le mode d'emploi n'a pas beaucoup changé durant le déroulement du scrutin. Les cadres du parti "encaissaient", jeudi, les nouvelles de cas de fraude avec beaucoup de sérénité. "Nous savions dès le début que les choses allaient se dérouler ainsi. Nous n'attendions rien de ce scrutin. Nous avons seulement gagné le fonctionnement démocratique de notre parti", affirme Adimi. Le parti de Benflis cite plusieurs cas de tentative de fraude : la veille du scrutin, les noms des chefs de bureau de vote ont été changés dans certaines daïras et communes et remplacés par des personnes acquises aux partis du pouvoir. "L'instance de surveillance des élections de Derbal a elle-même relevé plusieurs cas de dépassements. Des gens ont été pris la main dans le sac. Mais ces personnes ne vont pas être sanctionnées. Ce qui m'inquiète, c'est ce qui va arriver après. Nous assistons à la faillite de l'Etat et non seulement d'un système", déplore Ahmed Adimi. Selon lui, le fichier électoral a été démesurément gonflé d'au moins deux à trois millions d'électeurs. "J'ai découvert que moi-même j'étais inscrit dans cinq bureaux de vote différents. Après le dépouillement on donne au représentant d'un parti une copie du PV sauf que pour introduire une plainte on vous demande l'original". Les enseignements, après cette expérience ? C'est Azouz Nasri qui les livre : "Malheureusement le jeu démocratique est totalement fermé et le pouvoir veut rester seul sur la scène politique et la crise va durer encore longtemps." Pour l'élection présidentielle de 2019, le parti pense que les mêmes pratiques seront reconduites. Nissa H.