Une enseignante de tamazight, enceinte, venue de la ville de Kaïs, dans la wilaya de Kenchela, a été tabassée, ses blessures ont nécessité son évacuation à l'hôpital. Batna a marché hier pour tamazight. Calmement. Mais à la manifestation pacifique, la police a répondu par l'usage de la matraque. En effet, la marche à laquelle a appelé le mouvement culturel des Aurès, avec toutes ses composantes et plus particulièrement les étudiants, a été violemment empêchée. Les militants de la cause amazighe, qui se sont donné rendez-vous à l'entrée principale de l'université de Batna, pour protester contre le rejet par les députés de la majorité de l'amendement proposé dans le cadre de la loi de finances 2018 et portant sur la promotion de la langue amazighe quand bien même serait-elle nationale et officielle, ont subi une répression féroce. La marche s'est ébranlée vers 10 heures vers le centre-ville (place de la Liberté) en empruntant la route de Biskra. C'est précisément sur cette artère principale qu'il y a eu ce que personne n'attendait. La répression aveugle des services de l'ordre qui se sont pris aux manifestants, qui n'ont, à aucun moment, perturbé l'ordre public ou porté atteinte aux biens d'autrui. S'ensuivent alors une confusion totale et une intervention des plus musclées. Beaucoup de manifestants ont reçu plusieurs coups de matraque. Cependant, le plus inquiétant, reste le sort d'une enseignante de tamazight, enceinte, venue de la ville de Kaïs (wilaya de Kenchela). Elle a été évacuée aux urgences. À l'heure du bouclage, on ignorait tout sur son état de santé et celle du bébé qu'elle porte. La répression a été accompagnée de plusieurs arrestations parmi les marcheurs. Une vingtaine, environ, a été interpellée et conduite au commissariat central de Batna. Notons que les militants amazighs sont venus des quatre coins des Aurès pour participer à cette marche. Des lycéens, des universitaires de Batna mais aussi des citoyens des villages, des villes et des wilayas limitrophes qui ont fait le déplacement, certains ont dû prendre la route à l'aube pour être au rendez-vous. Ils sont venus même de Tébessa. Ils ont fait plus de 4 heures de route, mais pour la bonne cause, disent-ils. La promotion de la langue amazighe et sa généralisation sur tout le territoire national ne sont pas les seules revendications, puisqu'à travers la wilaya de Batna, la direction de l'éducation, dans une note adressée aux enseignants, rend obligatoire l'usage des lettres arabes pour l'enseignement de tamazight sous peine de sanctions. Présents à cette manifestation, des enseignants de tamazight parlent d'un choix non pédagogique mais idéologique, sachant que l'usage de la graphie universelle reste le seul et le meilleur choix, en prenant en considération les opportunités, aubaines qu'offre l'usage des lettres latines, la blogosphère, les réseaux sociaux et les nouveaux médias se font exclusivement avec ces lettres. Pour rappeler leurs revendications et le refus d'un retour aux pratiques du parti unique qui a fait subir à la langue amazighe et aux militants les pires humiliations, gardes à vue, interdiction d'antenne pour certains artistes, des banderoles brandies par de jeunes militants rappellent que ce temps est révolu : touche pas à ma langue maternelle, tamazight ma langue et mon identité, ad yali wes... Un ancien militant du mouvement culturel amazigh nous rappelle, non sans ironie, que des parlementaires, qui ne représentent personne, se donnent le droit de voter des lois et des projets contre l'identité algérienne et contre l'histoire de ce pays. "Tamazight, en plus d'être notre langue maternelle, est notre identité, elle n'a pas besoin du décret d'un Parlement qui ne représente même pas la moitié de la population algérienne, tamazight ne se décrète pas, elle est en nous", nous dit-il. H. TAYEB