La conjugaison de la suppression des licences d'importation avec le maintien de l'interdiction d'importation sur près de 900 produits risque d'encourager la contrebande ou le cabas qui tentera de compenser cette prohibition. Mis en place en 2016 pour tenter de stopper l'hémorragie des réserves de change consécutive à la chute des prix du pétrole, le système des licences d'importation, auquel étaient soumis certains produits va être supprimé en 2018, a annoncé le ministre du Commerce, qui a ajouté que, néanmoins, l'Etat continuera d'encadrer les importations en interdisant l'entrée de près de 900 produits et en augmentant certaines taxes et droits de douane. Si l'inefficacité des licences d'importation est plus qu'avérée, la conjugaison de leur suppression avec le maintien de l'interdiction d'importation de près de 900 produits risque d'impacter le marché avec d'éventuelles pénuries et hausses des prix. Questionné sur le sujet, l'économiste Ferhat Aït Ali s'interroge d'abord sur la liste des 900 produits interdits d'importation. Sur quelle base cette liste a-t-elle été établie ? Y a-t-il eu une étude d'autant que le gros de ces produits est celui qui rapporte le plus en droits de douane ? Reprenant les déclarations du ministre qui a indiqué que "les produits proposés à la suspension ont représenté durant les dix premiers mois de l'année près de 1 milliard et demi de dollars", l'économiste a estimé que ce sont 300 milliards de dinars qui ont disparu à l'intérieur. Selon lui, il n'y a pas de doute que cette interdiction d'importation de 900 produits va impacter le marché à travers d'abord des pénuries et puis une hausse des prix. Par ailleurs, a-t-il ajouté, cette situation sera compensée par ce qu'on appelle le "cabas". Risques de corruption des fonctionnaires D'ailleurs, il prendra comme exemple le chocolat qui est interdit d'importation depuis juillet dernier, mais qui inonde le marché en cette période de fin d'année. Conséquence de cette situation, c'est le marché parallèle des devises qui va prospérer en s'alimentant, selon M. Aït Ali, de la surfacturation des produits qui restent autorisés à l'importation. On risque aussi d'avoir une augmentation des marges de l'informel, un marché noir qui échappera à tous les contrôles avec, logiquement, une hausse de la corruption de fonctionnaire. Concernant, la mesure d'élargissement de la liste des produits importés soumise à la taxe intérieure de consommation (TIC), au taux de 30%, et le relèvement des droits de douane, à la limite des 60%, pour 32 familles de produits finis, l'économiste a indiqué que ces mesures existent déjà dans la loi de finances pour certains produits. Mais il relèvera, par ailleurs, que la plupart des produits soumis à ce relèvement de taxe figurent sur la liste des 900 produits interdits à l'importation. Pour les autres, explique-t-il, ils n'ont pas d'incidence sur la balance des paiements. Si cette suppression des licences d'importation semble logique de par les résultats médiocres obtenus, le maintien de l'interdiction d'importation de 900 produits ne semble pas avoir l'aval de certains experts. Pour Mohamed Cherif Belmihoub, professeur en économie institutionnelle et en management, le gouvernement continue dans sa gestion administrative du commerce extérieur en remplaçant une interdiction par une autre. Le professeur n'écarte pas qu'il y ait des erreurs dans l'élaboration de cette liste de 900 produits. Des erreurs qui ne seront rectifiées qu'après avoir engendré des dégâts (pénuries, hausses des prix, secteurs pénalisés, pertes d'emploi) En somme, Mohamed Cherif Belmihoub ne voit aucun intérêt à interdire sèchement d'importer un produit, mais actionner plutôt le levier de la fiscalité. Il a également déploré qu'on se prive de levier tel que le taux de change en prenant l'aberrante décision de le fixer jusqu'à 2020. En conclusion, il a souligné que l'économie s'accommode de régulation et l'Algérie souffre de la régulation. Les effets pervers arriveront plus tard. Saïd Smati