Le ministre du Commerce, Mohamed Benmeradi, a annoncé de nouvelles mesures pour encadrer le commerce extérieur et suspendre les licences d'importation. Le système des licences, mis en place en 2016 pour maîtriser les importations, est «bureaucratique». Il «manque de transparence», et engendre parfois des problèmes d'approvisionnement. C'est un modèle qui a «montré ses limites». Ce n'est pas un ultra-libéral du FCE qui le dit ni un quelconque représentant du FMI. C'est le ministre du Commerce, M. Mohamed Benmeradi, qui fait cette découverte surprenante cette semaine, en annonçant la suppression du système de licences pour 2018. Selon lui, seuls les véhicules automobiles demeurent concernés par les licences. Il n'a toutefois pas exclu de revenir aux licences «en cas de nécessité». Ce sera donc au gouvernement de décider, selon sa propre appréciation. Sans aucune visibilité pour les investisseurs et les importateurs. Dans la plus grande improvisation. Mais cela permet au gouvernement de ne pas être ligoté, et de disposer d'un levier en cas de déséquilibre grave du marché ou de pénuries. Pour les autres produits, le gouvernement a choisi deux méthodes, toujours dans l'objectif de réduire les importations : augmenter les taxes pour les uns et une suspension pure et simple des importations pour les autres. Il appelle cela des «mesures d'encadrement du commerce extérieur», c'est-à-dire la possibilité pour l'administration de reprendre la main sur le commerce extérieur. Vrais problèmes et fausses solutions Les raisons invoquées sont nobles : protéger la production nationale et éviter une nouvelle envolée de la facture des importations. Car si les importations n'ont pas connu une évolution significative en 2017, passant à 45 milliards de dollars après les 46.7 milliards en 2016, M. Ouyahia envisage de les réduire à 30 milliards de dollars en 2018. Comment réduire les importations d'un tiers, d'une année sur l'autre, sans déstabiliser le fragile appareil de production local ni perturber l'approvisionnement du marché ? Il s'agit d'un mystère que ne dévoile pas le ministre du Commerce, qui se contente de quelques annonces populistes. Il annonce en effet que 900 produits seront interdits à l'importation, des produits non essentiels, avec des alternatives locales, mais qui auront coûté plus de 1.5 milliards de dollars en 2017 : fromages, confitures et chocolats, entre autres. Pour d'autres produits, toujours autorisés, comme les bananes, un autre levier sera utilisé : les taxes. Celles-ci peuvent aller jusqu'à 60%, avertit M. Benmeradi. Les prix seront donc plus élevés. Comment concilier cela avec la promesse du ministre des Finances, M. Raouia, de maîtriser l'inflation ? Un autre mystère. Déplacer le problème ou le résoudre ? Par contre, ce qui ne relève pas du mystère, c'est le résultat inévitable des mesures prises par le gouvernement Ouyahia. Rappelons d'abord ce qui a été dit à propos des licences d'importation quand elles étaient à la mode. Mouloud Hedir, spécialiste du commerce extérieur, les avait qualifiées de «triste épisode». Il avait parlé «d'improvisation et d'opacité». Pour lui, «le régime des licences revient, dans les faits, à aménager de nouvelles niches de rente au sein d'une économie qui n'en a pas besoin et où la concurrence est loin d'être la règle cardinale». Il suggérait d'agir sur d'autres leviers, notamment le taux de change du dinar, tout en veillant à ce que cela ne déstabilise pas brutalement le pouvoir d'achat des Algériens, dont la consommation est largement composée de produits d'importation. Dans la même logique, on peut se montrer catégorique sur l'impact attendu des nouvelles mesures. L'interdiction d'importation de certains produits va développer une contrebande à grande échelle. C'est une règle économique. Le téléphone mobile et le chocolat interdits par les circuits douaniers arriveront par d'autres réseaux. Les modèles automobiles interdits aux concessionnaires seront introduits par d'autres combines. Avec un impact sur les prix aussi évident que le fut celui des licences. Le même scénario va donc être reconduit. Le problème ne sera pas résolu, mais déplacé. C'est le successeur de M. Benmeradi qui nous le dira, dans un an ou deux. Il parlera d'opacité, de précipitation et de dossier mal ficelé. Il pourra, comme M. Bedda, parler de mesures inefficaces ou inappropriées. On se posera alors beaucoup de questions sur ces histoires qui semblent se répéter indéfiniment, mais on aura une certitude : ce sera, de nouveau, «triste épisode», selon la formule de Mouloud Hedir.