Liberté : Quelle est la genèse de ce projet de soirée France-Algérie ? Billal Chegra : Je voulais monter ce projet depuis longtemps. J'évolue dans une boîte de production qui crée régulièrement des spectacles d'humour et de théâtre. En tant qu'Algérien, j'ai toujours voulu mettre en valeur l'humour algérien. Nous avons une véritable culture de l'humour avec des mises en relief régionales, qui est inconnue du public français. Cette culture n'est pas toujours valorisée en Algérie aussi. Nous avons pourtant de grandes références comme Fellag qui est un chantre de l'humour. Mais il y a aussi Athmane Ariouat, l'inspecteur Tahar (cheikh Abderrahmane), Hassan Hassani. Il y a des talents monstrueux qui ont existé et d'autres en vie. Mon objectif est de pouvoir réunir des talents et leur offrir un espace d'expression. Je souhaite aussi faire découvrir au public une autre facette de l'Algérie. Nous sommes identifiés soit au football, soit à la musique. Je voudrais, pour ma part, changer un peu de registre et présenter des personnes qui ont des talents d'écriture et qui racontent une histoire. Il y a ceux qui viennent d'Algérie et puis les Franco-Algériens nés comme moi en France et qui ont une double identité et un double regard sur la France et sur l'Algérie. L'idée, c'est aussi de faire valoir cette France-Algérie qui existe et qui est le produit d'une histoire commune. Je souhaiterais enfin institutionnaliser un rendez-vous de l'humour pour la communauté franco-algérienne et pour ceux et celles qui veulent découvrir les humoristes algériens. Et pourquoi pas plus tard, monter un festival ou un théâtre de l'humour en Algérie. L'humour en Algérie, l'humour politique particulièrement, est contrôlé parce qu'il est considéré comme subversif. Partant de là, pensez-vous qu'il est toujours possible d'organiser un grand festival en Algérie, qui permettra aux artistes de s'exprimer librement ? Que ce soit en Algérie ou en France, l'humour est parfois subversif. Des humoristes engagés existent partout et la culture est par essence subversive. Au-delà de la liberté d'expression, je pense qu'il faut développer une véritable économie culturelle en Algérie. Il faut qu'il y ait des théâtres et qu'ils soient soutenus. Le fond du problème est dans les moyens et les infrastructures techniques qu'on doit mettre en place pour offrir aux artistes et aux humoristes des espaces d'expression. Il faut aussi qu'il y ait plus de directeurs de théâtres, des régisseurs, des logiciels de billetterie... En se produisant en France, Fellag a dû adapter ses spectacles pour les rendre plus compréhensifs par le public français. Les marqueurs sociaux et culturels constituent-ils un frein pour la diffusion de l'humour algérien en France ? L'adaptation des spectacles selon les publics n'est pas propre aux humoristes algériens. J'ai accompagné Pierre Richard au Québec et il a dû le faire. Cela dit, je crois que les Algériens et les Français ont une culture qui est assez proche. Je pense également que nous Algériens devons vendre nos spécificités. Sur quelle base s'est fait le choix des artistes qui vont se produire aujourd'hui ? Le choix a été assez classique. Nous connaissons les artistes franco-algériens pour avoir déjà travaillé avec eux. Il fallait du coté algérien, des humouristes qui aient assez d'expérience comme Kader Secteur et Farid Chemakh. Kamel Abdat, représente lui, la nouvelle génération des humouristes algériens. Il a une culture très large et il représente l'Algérie d'aujourd'hui, celle qui se regarde et qui n'a pas peur de faire son autocritique. Je pense qu'il y a beaucoup d'autres talents et je souhaiterai les faire venir l'année prochaine.