Ces deux prénoms masculins sont d'origine arabe. Le premier dérive de ɛamrân, ‘‘lieu habité, lieu cultivé, état de bien-être, de prospérité", du verbe ɛamara "fréquenter, habiter un endroit, entretenir une culture, remplir et, p. ext., édifier, prospérer, être conservé, vivre'', ɛamr عمر "vie, durée de la vie et, p. ext., longue vie'". Le second, en dialectal, signifie ‘‘fécond, prospère". On les attribue à un personnage légendaire, appelé Bouamrane (littéralement : bû –Amran "le père de Amran'') auquel on note des sentences. La sagesse comme la vie de Bu'amran le rapprochent par plusieurs traits d'Esope, le sage de l'antiquité. Ses anecdotes et ses sentences, ainsi que le nom sous lequel on l'identifie, ont été recueillis en Kabylie, mais il n'est pas exclu que le personnage se retrouve ailleurs, sous d'autres noms. En tout cas, quelques-uns des récits qu'on rapporte de lui en Kabylie se retrouvent jusqu'au Sahara ! D'ailleurs, certaines sentences, en Kabylie même, sont données en arabe. Parmi les richesses qu'on lui attribue, il y a parfois des troupeaux de chameaux, animal qui est propre au désert. Les anecdotes dont Bouamrane est le héros illustrent des vérités, des sortes de fables dont l'objectif est de communiquer une expérience de la vie. C'est ainsi que Bouamrane est confronté à son fils, jeune homme impatient qui ne réfléchit pas toujours à ses actes. Sous l'influence du père, le fils acquiert de la sagesse et devient même, sur ce plan, son adversaire. La sagesse de Bouamrane déteint aussi sur sa fille, à qui la tradition attribue également des sentences. L'anecdote la plus célèbre de Bouamrane est celle des langues. Un jour, alors qu'il s'apprêtait à se rendre au souk, sa femme lui demanda de ramener la meilleure viande qu'il puisse trouver. Bouamrane revint avec de la langue de bœuf. La semaine suivante, la femme, lui demanda de ramener encore de la viande, mais cette fois-ci, la moins chère du marché. Bouamrane revint encore avec de la langue de bœuf. Alors, il expliqua son comportement : "Sache que la langue est à la fois ce qu'il y a de meilleur et de pire : de meilleur quand elle parle avec douceur et dit la vérité, de pire quand elle ment ou dresse les gens contre les autres''. Contre les bienfaits et les méfaits de la langue, on lui attribue encore : "Ne sois pas trop doux comme le miel, car les gens ne manqueraient pas de t'avaler, ne sois pas non plus amer comme le laurier rose, les gens te cracheraient, sois plutôt comme la grenade au goût aigre-doux''. M. A. Haddadou [email protected]