L'ambassadeur en Algérie, Hubert Colin de Verdière, a affirmé que son pays “n'oublie pas la tragédie qui a marqué en Algérie la légitime célébration de la victoire contre le nazisme”. La France amorce un début de débat sur les crimes commis le 8 mai 1945 en Algérie. Pour preuve, l'ambassadeur de France à Alger a, dans un communiqué parvenu hier à la rédaction, salué les artisans de la victoire contre l'Allemagne nazie, parmi eux les “135 000 Algériens (qui) ont combattu à nos côtés”. Hubert Colin de Verdière a ajouté que la France n'oublie pas “la tragédie qui a marqué ici la légitime célébration de la victoire”, allusion faite à la répression qui a suivi les manifestations pacifiques, à Sétif, à Guelma et à Kharrata notamment. Dans un geste inédit, l'ambassadeur de France à Alger a, pour rappel, déploré la “tragédie inexcusable” et rendu hommage, le 27 février dernier, aux victimes des massacres, estimées à 45 000 personnes selon les historiens algériens et entre 15 000 et 20 000 de sources françaises. De son côté, le maire de Paris, Bertrand Delanoë a interpellé hier la conscience des Français. Il a certifié que le 8 mai 1945, “c'est la liberté de l'Europe, de la France”, mais aussi “un autre souvenir historique et extrêmement douloureux”. “On a parfois oublié dans la vérité historique que des milliers, des dizaines de milliers viennent d'Afrique, d'Afrique du Nord, des Antilles et toutes ces personnes (…) ont tout fait pour qu'aujourd'hui la France soit libre”, a révélé M. Delanoë, lors d'une cérémonie de dépôt de gerbes de fleurs. Le maire de Paris, comme l'ambassadeur de France à Alger, a plaidé pour la vérité. “Donc, si nous ne prenons pas le risque de la vérité, nous ne pouvons jamais nous regarder les yeux dans les yeux”, a-t-il dit, convaincu qu'il faut “avoir le courage de dire la vérité historique et de se la dire en face pour que, justement, ce soit utile à l'avenir”. Le ministre français des Affaires étrangères, Michel Barnier, s'est aussi exprimé en cette date de commémoration. Dans une interview publiée hier par notre confrère El Watan, le chef de la diplomatie française a appelé à “surmonter les pages les plus douloureuses” entre Algériens et Français, à l'occasion du 60e anniversaire des massacres du 8 mai 1945. “Il est essentiel, pour construire un avenir commun, que nous arrivions à examiner ensemble le passé, afin d'en surmonter les pages les plus douloureuses pour nos deux peuples”, a-t-il indiqué. Tout laisse croire qu'un processus de reconnaissance des violations perpétrées par l'ancienne puissance coloniale est en train de se mettre en place. Un processus qui est encore à ses balbutiements, puisqu'il est loin de répondre aux revendications de la Fondation 8 Mai 1945 créée par Bachir Boumaza et à la problématique énoncée par le philosophe français Francis Jeanson. Ce dernier, ancien animateur d'un réseau d'aide au FLN, avait déclaré au Monde du 28 mai 2001 que “la vraie question est : pourquoi faisions-nous la guerre au peuple algérien ?” M. Jeanson avait noté que depuis mai 1945 et les massacres de Sétif, “on aurait dû le savoir”. “Nous avons laissé faire des choses qui n'avaient pas de raison d'être. Une part importante de responsabilité revient aux gouvernements successifs qui n'ont pas informé la population des problèmes qui se posaient, du fait de la poursuite de la colonisation. Par exemple, n'est-il pas incroyable qu'il n'y ait pratiquement pas eu de débat à l'Assemblée nationale après Sétif ?” s'était-il alors interrogé. H. A.