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Deux décennies de trop
Publié dans Liberté le 17 - 05 - 2005

RESUME : Nadia abandonne, convaincue par leur amour. Madjid a acheté un appartement et compte donner une fête pour leur mariage. Djamila n'est pas d'accord. Il n'y aura que des proches et quelques amis. Son union allait choquer plus d'un. La réaction des autres risque de la peiner.
Madjid s'est occupé de tout. Le dîner a été préparé par les cuisiniers d'un restaurant dont il connaît le propriétaire. Il a aussi commandé des gâteaux orientaux. Il aurait certainement mis de l'ambiance en invitant un chanteur ou un petit orchestre, mais Djamila n'était pas d'accord.
- Je n'ai plus l'âge, lui avait-elle dit. Ce dîner, si j'ai accepté que tu le donnes, c'est pour que nous puissions savoir qui tient à nous vraiment.
Il y a près de cinquante invités, en plus de la présence de la famille de Djamila et de quelques cousins de Madjid. Djamila a aussi invité sa sœur Hakima. Elle n'est pas encore arrivée. Les premières réactions ne tardent pas. Pour beaucoup, c'est le choc, et ceux-là même que Madjid a pris pour des amis s'en vont aussitôt le dîner avalé. Karim aussi ne tarde pas à partir.
Parmi les invités, il y a la future belle-famille de Nadia. Ils grimacent plus qu'ils ne sourient. Djamila est inquiète. Son mariage risque de compromettre celui de sa fille. Il suffit de les regarder avec leur air outragé pour savoir que tout se passera mal.
- Je suis désolée Nadia, je crois que j'aurais dû attendre que tu te sois mariée, lui dit-elle. Ils sont choqués. D'un côté, je comprends leurs réactions, mais, d'un autre, je ne supporte pas qu'ils me jugent.
- Tu verras, avec le temps, ils s'habitueront à l'image que vous donnerez, la rassure Nadia. Cela n'arrive pas tous les jours de voir un couple où la femme est plus âgée que son mari. On a toujours entendu et vu des vieux se marier avec des jeunes mais un cas comme le vôtre, c'est très rare. Et puis, vous vous aimez. Le regard des autres ne doit pas vous toucher au point de vous faire souffrir.
- J'ai peur que vous en ayez à souffrir vous.
Nadia la rassure une nouvelle fois. Tant que elle et Madjid sont heureux, rien d'autre ne compte.
Le reste de la soirée se passera tranquillement après le départ des derniers invités. Salim et Nadia tarderont un peu. Leur tante Hakima est arrivée en dernier. Le taxi était tombé en panne en route et au lieu d'arriver en milieu d'après-midi, c'est vers les vingt-deux heures qu'elle parvient à destination.
Après l'effusion des retrouvailles, Djamila la conduit à travers l'appartement jusqu'au salon. Hakima est impressionnée par le chic de l'appartement. Mais elle ne fait aucune remarque là-dessus ou sur le mobilier. Elle est impatiente de voir son mari.
- Où est l'heureux élu ?
- C'est lui qui t'a ouvert. Je te l'ai présenté, lui dit Djamila. Il s'appelle Madjid. Le voilà.
Ce dernier s'est occupé d'apporter des verres de jus. Hakima fronce des sourcils en le voyant. Elle a cru qu'il est le fiancé de Nadia. Elle se tourne vers sa sœur et secoue la tête.
- Ne me dis pas que tu as fait cette folie ! lui murmure-t-elle. Il est beaucoup trop jeune Djamila.
- Il m'aime Hakima, répond celle-ci, alors que Madjid venait de prendre place près d'elle. N'est-ce pas ?
- Vous vous faites du souci pour rien, dit-il à l'intention de Hakima. Elle est tout pour moi. Je suis l'homme le plus heureux sur Terre.
Hakima s'efforce de sourire et évite leur regard. Car elle avait envie de lui répondre : “Pour le moment. Mais dans dix ou quinze ans, est-ce qu'il la regardera avec autant d'amour ?”
(À suivre)
A. K.
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