Depuis l'élection présidentielle de 2014, les autorités algériennes continuent à verrouiller le paysage médiatique à travers l'étranglement financier des médias, a indiqué cette ONG. La liberté de l'information est fortement menacée en Algérie. C'est ce qu'a révélé un rapport publié, hier, par l'Organisation non gouvernementale (ONG) Reporters sans frontières (RSF), affirmant que cet état de vulnérabilité des médias algériens était devenu perceptible depuis l'élection présidentielle de 2014. "Les autorités continuent à verrouiller le paysage médiatique à travers l'étranglement financier des médias. Sous pressions économique et judiciaire, journalistes et médias peinent à remplir leur mission", lit-on dans ce rapport qui classe l'Algérie à la 136e place sur 180 pays. Avec une note de 42,83 en 2017, l'Algérie a glissé de 2 points, précise RSF, dans son classement mondial de la liberté de la presse 2018, alors que la Tunisie a gagné deux points (97e place) pendant que le Maroc (135e place) a chuté de deux rangs. À titre illustratif, cette ONG a indiqué qu'"au cours de l'année 2017, des policiers ont arrêté le blogueur Merzoug Touati à Béjaïa, en Kabylie, après avoir interviewé un diplomate étranger. Le journaliste Saïd Chitour a été arrêté en juin par la police pour soupçons d'espionnage et de vente de documents classés secrets à des diplomates étrangers. L'affaire a été renvoyée devant une juridiction pénale en novembre". En se limitant à ces seuls exemples, cette ONG s'inquiète sur l'évolution qui prévaut en Algérie, notamment sur la crise financière qui a poussé plusieurs titres de la presse nationale à baisser rideau et à licencier des dizaines de journalistes, alors que d'autres médias qui paraissent encore n'arrivent pas à payer leurs salariés d'une façon régulière. Ce constat est d'autant plus édifiant à cause du monopole qu'exerce l'Agence nationale d'édition et de publicité (Anep) dans la répartition de la manne publicitaire pour étouffer les titres "hostiles" à la ligne du gouvernement. En usant de subterfuges très sournois, le gouvernement évite, à chaque fois, de relancer le débat relatif à la loi sur la publicité pour maintenir le cap. Cette manière d'exercer la pression et le chantage sur certains médias s'est également illustrée par la censure de certains sites Internet et des blogs par le gouvernement qui voyait une "nouvelle menace" émerger dans le paysage médiatique. Pis encore, des médias payent chèrement le prix de leurs lignes éditoriales. Pour cause, même les annonceurs privés, comme les entreprises, les concessionnaires automobiles, le secteur des services et autres boîtes de communication subissent de fortes pressions dans le choix des médias quand il s'agissait d'insérer leur publicité. Ce classement mondial, qui évalue chaque année la situation du journalisme dans 180 pays, a indiqué qu'"un climat de haine s'installe de plus en plus. L'hostilité des dirigeants politiques envers les médias n'est plus l'apanage des seuls pays autoritaires comme la Turquie (157e) ou l'Egypte (161e), qui ont sombré dans la média-phobie au point de généraliser les accusations de terrorisme contre les journalistes et d'emprisonner arbitrairement tous ceux qui ne leur prêtent pas allégeance". Pour cette ONG, même les chefs d'Etat, qui étaient démocratiquement élus, "voient la presse non plus comme un fondement essentiel de la démocratie, mais comme un adversaire pour lequel ils affichent ouvertement leur aversion". Selon la carte du monde dressée par RSF, 21 pays sont placés en situation "très grave", à l'image de la Chine (176e) ou de la Corée du Nord (180e). Et si le même rapport note quatre des plus forts reculs enregistrés cette année (République tchèque, la Slovaquie Malte et la Serbie), les Etats-Unis de Donald Trump, pays qui sacralise la liberté d'expression, ont perdu deux places (45e). Par ailleurs, RSF s'alarme de la multiplication des violences verbales contre la presse en Europe, où deux journalistes ont été assassinés ces derniers mois. Si la Norvège se maintient au premier rang dans le classement, "il y a une inquiétude très forte pour les démocraties européennes", a estimé Christophe Deloire, secrétaire général de cette ONG. Celui-ci a indiqué que "ceux qui récusent la légitimité des journalistes jouent avec un feu politique extrêmement dangereux. Les démocraties ne meurent pas que par des coups d'Etat, mais elles peuvent mourir aussi à petit feu, et l'une des premières bûches, c'est généralement la haine envers les journalistes". FARID BELGACEM