Le journaliste Saïd Boudour a refusé de s'exprimer en sa qualité de témoin sur l'affaire des 701 kilogrammes de cocaïne, "à la fois parce que le dossier est en instruction et que des déclarations malvenues pourraient nuire aux accusés". Le président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme (Laddh), section d'Oran, Kaddour Chouicha, a pris publiquement la parole, hier, pour évoquer l'épisode de l'interpellation la semaine dernière du journaliste Saïd Boudour et du lanceur d'alerte Noureddine Tounsi, tous les deux membres de la Ligue. Le conférencier doute que cette interpellation ne soit qu'un prétexte pour mettre la pression sur l'organisation, connue pour son combat pour le respect des droits humains, et qui s'est récemment signalée par ses vives critiques sur la prise en charge du dossier des migrants subsahariens. "Dans tous les cas, Saïd et Noureddine ont dû répondre à des questions qui n'avaient aucun lien avec ce qui leur était reproché (un article sur l'affaire des 701 kg de cocaïne, ndlr) et qui ont concerné davantage leurs activités au sein de la Laddh, leurs liens supposés avec des journalistes étrangers, le fonctionnement de la Ligue, ses sources de financement, l'identité de ses membres,...", a dénoncé le président du bureau de la Laddh à Oran. En présence de ses deux infortunés collaborateurs, Kaddour Chouicha a tenu à dénoncer la manière dont les deux hommes "ont été enlevés", sans qu'aucun écrit ne leur soit notifié, leurs conditions de transfert nocturne, menottes aux poings, "alors qu'ils ont eu un accident de la route", et l'interrogatoire "digne de la police politique" qu'ils ont dû affronter à Alger. "La police s'est désormais substituée à la justice et agit comme bon lui semble. Nous interpellons le ministre de la Justice sur la gravité de la situation", a, en substance, lancé le responsable de la Laddh en affirmant que la Ligue des droits de l'Homme a toujours travaillé dans la transparence et à visage découvert. "On nous accuse de ternir l'image de l'Algérie (accusations récemment réitérées par Saïda Benhabiles, ndlr). Ce sont les responsables officiels qui salissent son image dans le monde par leurs déclarations mensongères", a-t-il encore souligné, en indiquant qu'interrogé lors d'un forum à Genève, un responsable de la délégation algérienne a assuré que "les migrants avaient droit au logement, que les refoulements étaient individuels et que les expulsés avaient le droit d'introduire des recours en justice. Qui salit la réputation de l'Algérie ? Nous qui dénonçons les dérives où ceux qui travestissent la vérité ?", s'est-il interrogé. Pour sa part, Saïd Boudour est revenu sur les conditions de son interpellation, ce vendredi 1er juin, "par, peut-être, une vingtaine de policiers" qui attendaient en bas de l'immeuble où se trouvent les locaux de la Laddh. "Je savais que j'allais être interpellé parce que, la veille, des civils s'étaient présentés chez moi à 1h du matin. Mais j'ai été embarqué comme un terroriste", a déploré le journaliste, en rappelant qu'aucune convocation ne lui avait été notifiée. "À Alger, on m'a informé que j'étais accusé de salir l'image du pays (...) Mais en fin compte, aucune charge n'a été retenue contre moi et j'ai été relâché", a continué Boudour, confirmant avoir été interrogé sur les activités de la Laddh, mais a refusé, en sa qualité de témoin, de s'exprimer sur l'affaire des 701 kg de cocaïne, "à la fois parce que le dossier est en instruction et que des déclarations malvenues pourraient nuire aux accusés (Adnane Mellah et Khellaf Benhadda, ancien et actuel responsable du site électronique Algérie-Direct, ndlr)". Quant au lanceur d'alerte Noureddine Tounsi, il a interpellé les plus hautes autorités de l'Etat algérien afin qu'elles prennent des dispositions pour sa protection. "J'ai alerté l'opinion nationale sur la corruption et les malversations qui ont lieu au port d'Oran. Cela dérange beaucoup de monde", a-t-il averti en exprimant sa peur pour son intégrité physique et pour la sécurité de sa famille. "Je veux être protégé et je tiens les autorités pour responsables de ce qui pourrait m'arriver", a-t-il lancé avec véhémence. S. Ould Ali