La chancelière allemande, Angela Merkel, a cédé aux pressions des membres de sa coalition gouvernementale en changeant de cap concernant sa politique migratoire lundi soir, à l'issue de deux jours de discussions marathonienne avec le très conservateur Horst Seehofer, son ministre de l'Intérieur. Le compromis trouvé après des semaines de conflit, menaçant l'avenir politique d'Angela Merkel, prévoit au bout du compte de renvoyer les demandeurs d'asile déjà enregistrés ailleurs dans l'UE vers le pays d'entrée et à défaut de les refouler vers l'Autriche voisine, gouvernée par une coalition réunissant l'extrême droite et les conservateurs. Vienne a immédiatement accusé hier Berlin de l'avoir mis devant le fait accompli. "A aucun moment nous n'avons été consultés", s'est agacée au Luxembourg la chef de la diplomatie autrichienne, Karin Kneissl, selon des propos rapportés par la presse autrichienne. Et le gouvernement autrichien s'est dit dans un communiqué "prêt à prendre des mesures pour protéger" ses "frontières sud en particulier", avec l'Italie et la Slovénie, pour faire la même chose que l'Allemagne. L'accord conclu en Allemagne entre le parti de centre-droit (CDU) de la chancelière et le parti bavarois très conservateur CSU, prévoit de placer les migrants arrivant en Allemagne, mais déjà enregistrés dans un autre pays de l'UE, dans des "centres de transit" à la frontière avec l'Autriche. Ils ne seront plus, comme c'est le cas actuellement, répartis dans des foyers dans toute l'Allemagne. Cela concerne en moyenne un quart des demandeurs d'asile, appelés à être expulsés dans le cadre d'accords bilatéraux. Au cours des cinq premiers mois de 2018 leur nombre s'est élevé à environ 18 000, sur un nombre total de demandeurs d'asile arrivés dans le pays de près de 69 000, selon les statistiques officielles. "Si l'Autriche veut faire des contrôles, elle en a tout le droit. Nous ferons la même chose", a prévenu hier le ministre italien de l'Intérieur, Matteo Salvini. Le risque d'un effet domino en Europe surgit au pire moment pour l'Autriche, qui vient de prend la présidence tournante de l'Union européenne pour six mois. Les concessions octroyées par Angela Merkel sous la pression de sa droite dure risquent en effet de remettre en cause les grands principes du tout récent sommet de l'UE sur les migrants : promesse de privilégier des solutions européennes face aux tentations nationales et aide à l'Italie. En Allemagne même, Angela Merkel n'est pas encore sortie d'affaire pour sa crise gouvernementale. Si elle est parvenue à amadouer M. Seehofer, elle va devoir encore convaincre son autre partenaire gouvernemental, cette fois de centre-gauche, d'avaliser l'accord. Et si le Parti social-démocrate (SPD) refuse le compromis la crise gouvernementale reprendra de plus belle. Le SPD est réservé et critique notamment l'appellation des "centres de transit", concept que le parti avait rejeté en 2015 au plus fort de la vague migratoire et qui évoque trop pour lui l'univers carcéral. Les écologistes et la gauche radicale ont, eux, qualifié ces "centres de transit" de "camps d'internement", en référence au passé nazi du pays. R. I./Agences