Ce n'est pas la première fois que l'ANP est sollicitée pour accompagner la transition politique. Qu'elle clame sur tous les toits que son rôle demeure circonscrit "exclusivement" à ses missions constitutionnelles ou qu'on lui prête le pouvoir, à tort ou à raison, des "faiseurs de rois", une image dont, à vrai dire, elle n'a jamais réussi à se défaire depuis la crise de l'été 1962, l'armée algérienne s'invite toujours au débat, à chaque proximité de l'élection présidentielle. Encore plus aujourd'hui avec cette atmosphère politique marquée par l'opacité, l'incertitude et les spéculations autour de l'éventualité d'un cinquième mandat pour le président Bouteflika. Dans une sortie visiblement destinée à susciter la polémique, le président du MSP, Abderrezak Makri, a appelé ouvertement l'armée à s'impliquer dans la transition démocratique, maintenant que l'éventualité d'un cinquième mandat s'éloigne, selon lui. "Il y a encore quelques mois, l'éventualité du cinquième mandat se dessinait quasiment clairement, mais plus maintenant. Aujourd'hui, c'est même une option qui s'éloigne au vu des développements de la scène nationale. L'institution militaire ne représente plus la grande muette", dit-il, en faisant référence aux derniers actes de l'ANP, allusion à certains limogeages opérés, comme pour suggérer son omnipotence. "Que Gaïd Salah et l'ensemble des cadres de l'armée participent à la réalisation de la transition démocratique dans le cadre d'un consensus national inclusif, c'est la meilleure voie pour sortir le pays de la crise politique et économique qui l'affecte", préconise Makri. Il n'en fallait pas plus pour faire réagir le secrétaire général du FLN, Djamel Ould Abbes. L'ANP, un maillon essentiel "L'Armée nationale populaire (ANP), qui a, à maintes reprises, refusé de s'ingérer en politique, se dit soucieuse d'accomplir ses missions constitutionnelles dans la sécurisation des frontières et de veiller sur la sécurité du pays (...) L'Algérie n'est pas une république bananière", a-t-il affirmé lors d'une conférence de presse organisée hier en marge d'une réunion des élus et des mouhafadhs d'Alger. Pourtant, ce n'est pas la première fois que l'ANP, dont nombreux restent convaincus qu'elle demeure un maillon essentiel, dans certaines grandes décisions, est sollicitée pour accompagner la transition politique devenue impérative aux yeux de l'opposition et au regard de l'impasse politique dans laquelle le pays s'est fourvoyé. L'ancien chef de gouvernement, aujourd'hui confiné dans le mutisme, Mouloud Hamrouche, l'a plaidé en 2014, tout comme Ali Benflis qui estimait, il n'y a pas si longtemps encore, que "l'ANP aura à partager le devoir national collectif que constitue le bon déroulement de la transition démocratique", affirmant également que "cette armée républicaine aura à accompagner, suivre et garantir le bon déroulement". Lorsqu'en mars dernier, Gaïd Salah a annoncé depuis Constantine que "l'Algérie est une ligne rouge" et "qu'il est absolument hors de question de toucher à sa sécurité ou aux ressources de son peuple", le FFS n'avait pas manqué de "prendre acte de cette mise en garde", comme pour suggérer que l'armée doit être au-dessus des contingences politiques. Reste que le propos de Djamel Ould Abbes ne risque pas de convaincre grand monde. On se rappelle comment le général de corps d'armée s'est empressé d'envoyer un message à l'ancien secrétaire général du FLN, Amar Saâdani, lors de son plébiscite par le congrès en juin 2015. "Il n'est nul besoin de prouver que le parti du FLN demeure, au regard du capital révolutionnaire et historique, ainsi que de sa large base populaire qui brasse toutes les couches de la société et toutes les catégories d'âge, la première force politique du pays, et c'est incontestable", avait écrit Gaïd Salah, dont le geste était assimilé à un parti pris flagrant, suscitant la polémique et les critiques de la classe politique. Alors qu'il s'est engagé dans une "tournée des popotes" depuis plusieurs mois maintenant, Ahmed Gaïd Salah, auquel certains prêtent même des ambitions présidentielles, apparaît de plus en plus comme l'un des hommes forts du régime, notamment depuis la mise à l'écart de l'ex-patron du renseignement, le général-major Mohamed Mediene, dit Toufik, mais aussi dans sa gestion "musclée" de l'affaire de la cocaïne qui va, immanquablement, provoquer des remous au sein de l'establishment politique. Et cette polémique naissante autour du rôle qui doit échoir à l'ANP semble traduire l'évolution du rapport des forces autour de l'enjeu du cinquième mandat, de plus en plus problématique... Karim Kebir