Forcément incompris, étant donné qu'il ne définit toujours pas d'orientation claire pour le parti, Ould Abbes a fini par exaspérer les cadres et les militants. Le Front de libération nationale (FLN) n'est pas au mieux de sa forme organique. Certes, le parti n'a jamais été un exemple en matière de cohésion et de discipline, mais il n'a jamais été autant marqué par des frictions que ces derniers temps. L'ambiance au sein du parti est si délétère que son secrétaire général, Djamel Ould Abbes, tend de plus en plus à gérer par la sanction que la conviction. Cela se vérifie, encore une nouvelle fois, avec la décision qu'il a prise de traduire une dizaine d'élus du parti aux Assemblées populaires des wilayas d'Alger et de Tipasa devant la commission de discipline. Pris dans le tourbillon des polémiques qu'il engage à tout-venant, torpillant y compris les anciens partenaires du FLN dans la fameuse alliance présidentielle, Ould Abbes n'en fait pas suffisamment pour être compris des cadres du parti. Forcément incompris, étant donné qu'il ne définit toujours pas d'orientation claire pour le parti, Ould Abbes a fini par exaspérer les cadres et les militants. À tel point que certains, notamment les porteurs de mandats électoraux, agissent selon ce que leur inspire leur conviction propre, quitte à se retrouver en porte-à-faux avec les choix de la direction du parti. C'est le cas précisément de 10 élus aux APW d'Alger et de Tipasa, 5 pour chaque assemblée, qui ont passé outre les consignes du FLN lors du vote, jeudi dernier, des budgets complémentaires des wilayas. Dans la capitale, les élus du FLN se sont alliés avec la représentation du FFS pour un vote défavorable à la proposition de budget soumis à débat. Le budget a failli ne pas être voté. Dans la wilaya voisine, Tipasa, en l'occurrence, les élus du FLN se sont rapprochés plutôt de leurs collègues du Rassemblement national démocratique (RND). Là, l'alliance a été fructueuse, puisque le budget complémentaire pour la wilaya a été rejeté. L'attitude de ces 10 élus, tous membres du comité central du parti, a rendu furieux Djamel Ould Abbes qui a ordonné illico leur traduction devant la commission de discipline. Pour le secrétaire général du FLN, il y aurait donc manquement à la discipline, voire une faute politique assez grave pour valoir une sanction. Soit. Mais en exhibant ainsi la menace de sanction, Ould Abbes ne fait-il pas exprès pour éviter de débattre de ce qui a pu amener des cadres dirigeants du FLN à traduire publiquement leur inconfort au sein du parti ? Ils sont nombreux ceux qui trouveraient cette grille de lecture tout à fait plausible. D'aucuns savent, en effet, que Djamel Ould Abbes, coopté à la tête du parti, un peu à la va-vite lorsqu'il était devenu urgent d'en éloigner son prédécesseur, Amar Saâdani, n'est pas parvenu à asseoir une autorité sans faille sur une formation déjà fortement secouée par les nombreux mouvements de redressement. Sa position de leader s'est même fragilisée, du fait qu'il refuse toujours de satisfaire aux engagements statutaires du parti, du moins le plus fondamental d'entre tous, à savoir la réunion à échéance du comité central, l'organe délibérant entre les congrès. Une session réclamée avec force, car devant, entre autres, définir un cap pour le FLN qui a toujours prétendu aux premiers rôles lorsqu'il s'agit d'apporter soutien et appui au président Bouteflika. Et les cadres du FLN ont plus que d'autres besoin d'avoir ce débat en interne, les déclarations du secrétaire général du parti relatives au 5e mandat et donc à la candidature du chef de l'Etat sortant ne pouvant que les dérouter. À plus forte raison quand Ould Abbes passe d'un appel pressant au renouvellement de bail à une hésitation troublante, laissant la palme du thuriféraire au patron du RND qui, lui, ne semble pas rongé par le doute. Une hésitation qui brouille la visibilité pour les militants et cadres du FLN. Ces derniers ne comprennent pas ce brusque changement dans l'attitude de leur SG qui, de plus, s'est lancé dans des querelles à n'en plus finir, particulièrement avec les dirigeants du RND à qui il cherche noise sans répit. Sofiane Aït Iflis