Les propos tenus récemment par la députée islamiste Naïma Salhi contre la présence de migrants subsahariens sont susceptibles de poursuites judiciaires. Un avocat, spécialisé dans la défense de migrants a demandé officiellement la levée de l'immunité parlementaire de la présidente du parti de l'équité et de la proclamation. Dans une longue requête, dont nous détenons une copie, l'avocat Zakaria Benlahreche demande au président de l'Assemblée populaire nationale, Saïd Bouhadja, de lever l'immunité qui empêche de poursuivre en justice la députée. Pour appuyer sa requête, l'avocat a rappelé les propos tenus par Naïma Salhi dans une émission diffusée par la chaîne El-Bilad TV. Elle a affirmé que les migrants africains "pratiquent la sorcellerie et ramènent des maladies". Pour cela, les autorités du pays doivent "nettoyer les rues de nos villes" de ces citoyens africains. Pis encore, la députée va plus loin et estime que ces migrants ont l'intention de "s'enraciner" en Algérie pour des "objectifs" inavoués. Ce sont des propos inacceptables pour le juriste. Dans sa missive, il rappelle au troisième personnage de l'Etat que l'Algérie a signé des conventions internationales qui protègent les migrants et les réfugiés. En outre, la Constitution de 2016 "protège" tous les individus qui se trouvent sur le territoire national, rappelle Me Benlahreche. "Que cette députée sache que ces migrants ont été créés par Dieu et les accuser, tous, de pratiquer la sorcellerie et de ramener des maladies demande des preuves", écrit l'avocat qui défie ainsi la femme politique. Aux accusations de Naïma Salhi, qui évoque la saleté des rues des villes algériennes, l'avocat oppose la réalité. "Nos villes et nos rues étaient sales bien avant l'arrivée des migrants", indique le juriste dans sa lettre à Saïd Bouhadja. Ce n'est pas la première fois que les propos de cette dame sont montrés du doigt. Il y a quelques mois, la députée de Boumerdès, dont le parti vit visiblement sur les réseaux sociaux, s'était violemment attaquée aux Kabyles. Elle a accusé, presque sans distinction, les habitants de la région de Kabylie d'être des pro-Français et, pire, de partisans d'un projet sioniste. "Je tuerai ma fille si elle apprend le kabyle", avait-elle indiqué dans un enregistrement qui a suscité une levée de boucliers. Elle a tenté par la suite de distinguer les "vrais Kabyles" des "séparatistes". Mais sa haine ne s'est pas arrêtée pour autant. Elle s'était même attaquée à Lounès Matoub dans un enregistrement effectué aux côtés de son mari, un ancien dirigeant du parti islamiste Ennahda. Des appels à la levée de l'immunité parlementaire de la députée n'ont jamais été suivis d'effet. Ce n'est pas la première fois qu'une demande de lever l'immunité parlementaire a été introduite. Mais jamais cela ne s'est concrétisé. Des députés, accusés de meurtre, n'ont jamais été poursuivis durant leur mandat. Souvent, les poursuites s'arrêtent et ne reprennent jamais. Pourtant, l'immunité parlementaire est instaurée, dans le principe, pour protéger les parlementaires d'éventuelles pressions concernant leur activité politique. Mais les autorités algériennes ont étendu cette immunité à tous les autres domaines de la vie. Y compris lorsqu'il s'agit de propos délictueux ! Ali Boukhlef