Mohammed VI semble beaucoup plus vouloir isoler les chefs de file de ce mouvement contestataire, qui a secoué la région du Rif pendant plus d'une année. Le roi du Maroc, Mohammed VI, a gracié, mardi, un total de 188 personnes liées au mouvement de protestation Hirak du Rif condamnées fin juin dernier. Cette grâce royale accordée à l'occasion de la fête religieuse de l'Aïd Al-Adha ne semble pas constituer une approche pour apaiser la tension, mais plutôt une volonté de faire diversion et d'isoler les meneurs du mouvement contestataire rifain. En effet, le fait qu'aucun des principaux meneurs du Hirak du Rif ne soit concerné par cette mesure de grâce laisse accroire que le souverain marocain poursuit sa politique de "poigne de fer" dans la gestion de ce dossier. Et pourtant, dans les milieux des organisations marocaines de défense des droits de l'homme, l'on s'attendait à une plus grande clémence du souverain alaouite après les lourdes peines prononcées par la Cour d'appel de Casablanca le 26 juin dernier. Il n'en est rien, et cette grâce de Mohammed VI est loin de répondre aux attentes, d'autant plus que le monarque chérifien avait également gracié, la veille, à l'occasion de l'anniversaire de la Révolution du roi et du peuple, pas moins de 428 détenus, dont 22 salafistes condamnés pour extrémisme ou terrorisme. Ni Nasser Zefzafi et trois de ses compagnons de détention, qui ont été condamnés à 20 ans de prison pour "atteinte à la sécurité de l'Etat", ni le journaliste Hamid El-Mahdaoui, qui a pris trois ans fermes après sa couverture des évènements du Hirak du Rif, ne figurent parmi les personnes graciées. La Cour d'appel de Casablanca avait condamné un total de 53 activistes accusés de former le noyau dur du Hirak du Rif à des peines allant d'un à 20 ans de prison. La sévérité du verdict avait suscité des réactions d'incompréhension et d'indignation sur les réseaux sociaux suivies par quelques manifestations de protestation, avec de nombreux appels à la clémence du roi. Il y a lieu de signaler que tous les accusés du procès de Casablanca ont fait appel et l'audience d'appel est prévue en octobre. Ceci étant, le nombre total et réel de condamnations liées au Hirak du Rif n'est pas connu, parce que beaucoup de militants du mouvement de contestation du Rif ont été condamnés par d'autres tribunaux à des peines allant jusqu'à 20 ans de prison après les manifestations qui ont conduit à plus de 400 arrestations, selon les mouvements des droits de l'homme. Rappelons que la contestation dans le Rif avait été déclenchée par la mort de Mohcine Fikri, un vendeur de poissons, broyé dans une benne à ordures en octobre 2016 alors qu'il tentait de sauver sa marchandise. C'est une mobilisation sur fond de colère sociale, de sentiment de marginalisation des populations de la région, qui avait pris forme pour donner naissance au Hirak du Rif, qui a secoué pendant une année Al-Hoceima, épicentre de la contestation, et les villes environnantes.