Les responsables de Bruxelles ont beau minimiser la débâcle, affirmant que le processus de ratification de la Constitution devrait se poursuivre selon le calendrier, jusqu'à fin 2006, l'Europe en sort exsangue. Le non massif des français et néerlandais fait un heureux, Washington, qui se frotte les mains face à une Europe affaiblie. L'Europe politique n'est pas prête de voir le jour, donc, de se poser comme une puissance rivale des Etats-Unis. Bush est d'autant plus satisfait que son affaiblissement est le fait du pays dont le président est le moins américain. Jacques Chirac, qui n'a jamais caché ses désaccords avec le locataire de la Maison-Blanche dont il ne partage ni l'unilatéralisme dans affaires du monde, ni le projet de mondialisation et encore moins le projet socio-économique ultra libéral, avait espéré rebondir sur la scène internationale grâce à une Europe unie autour du couple franco-allemand. D'ailleurs, Rome et Londres appellent à la révision de la dynamique que voulaient imprégner Chirac et Shroëder à l'Europe. Tony Blair va jusqu'à induire que l'UE devrait se suffire de son marché économique. D'autre part, selon de nombreux analystes, la crise européenne placerait également Bush dans une situation délicate, lui qui a investi depuis le début de son second mandat une partie de son crédit international dans une politique d'ouverture envers les Européens, après les déchirements sur l'Irak et les multiples ressentiments suscités au sein de dirigeants arabes par son projet de les soumettre à des réformes démocratiques, définies par lui. Ce changement s'est traduit par un appui américain aux efforts européens pour trouver une issue négociée à la crise du programme nucléaire iranien, ainsi que par une relance des efforts communs pour la paix au Proche-Orient. Les pressions communes entre Européens et Américains au Liban ou en Ukraine ont également amené Bush à penser qu'une Europe unie pouvait être un partenaire utile pour ses plans de promotion de la démocratie, y compris dans le monde arabe. Le 22 juin, on saura plus sur ce qu'attend Bush de l'Europe affaiblie lors de la conférence sur l'Irak, parrainée par l'UE et les Etats-Unis, comme l'on aura à apprécier la marge de manœuvre du président français et du chancelier allemand. D. Bouatta