Les Européens s'acheminent vers une longue période de réflexion sur l'avenir de leur Constitution, au cœur du sommet de Bruxelles, jeudi et vendredi derniers, après le rejet du texte en France et aux Pays-Bas qui semble éveiller une dynamique du non dans d'autres pays. Dès l'annonce par Londres du gel du référendum, prévu au printemps 2006, au Royaume Uni, les dirigeants européens ont dédramatisé la situation, refusant les uns après les autres d'enterrer le traité. Et si certains, Portugal ou Danemark notamment, laissent entendre que le sort de leur propre processus de ratification dépendra de l'issue du sommet, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE, en panne d'alternative, semblent tous d'accord pour ne pas précipiter les choses. “Il y a des pays qui vont continuer à ratifier, d'autres qui vont estimer que ce serait au contraire suicidaire. Il faut attendre de voir s'il y a des chances de sauver le texte ou non”, estime une source communautaire. Le Premier ministre britannique, Tony Blair, qui s'est contenté de geler son référendum pour éviter de paraître porter le coup de grâce au traité, a tout de même, d'ores et déjà, estimé que tant que la France et les Pays-Bas ne pourraient pas ratifier le texte, “la Constitution ne pourra pas continuer”. Il y a, de toute façon, besoin d'une certaine réflexion. “Le rejet par les Français et les Néerlandais est quand même un acte fort.” Au Parlement européen, où les eurodéputés ne cachent pas leur désarroi, l'idée de faire une pause fait aussi son chemin. “Il est sensé d'interrompre pour l'instant le processus référendaire jusqu'à nouvel ordre au moment opportun”, surtout pour éviter un “effet domino” après les non français et néerlandais, estime Hans-Gert Pöttering, président du groupe conservateur (PPE), première force de l'assemblée. Dans la plupart des pays, où des référendums sont prévus dans les mois à venir, le non a déjà fait une remontée spectaculaire dans les sondages. Au Portugal, le oui, jusqu'à récemment nettement majoritaire, est désormais, avec 50,8% des intentions de vote, pratiquement à égalité avec le non (49,2%), selon un sondage publié vendredi par l'hebdomadaire Expresso. Il s'est effrité de la même manière en Pologne, où un référendum est prévu à l'automne, et au Luxembourg, pays pourtant traditionnellement acquis à la Construction européenne dont les électeurs sont les prochains appelés aux urnes le 10 juillet. Au Danemark, le non est même devenu majoritaire. En attendant de trouver une solution à la crise, les 25 tenteront, tout de même cette semaine, de montrer que, malgré tout, l'Europe fonctionne. Ils pourraient même prolonger leur sommet jusqu'à samedi pour arracher un accord sur le très controversé budget européen. R.I/Agences