La présidence de la République a finalement mis fin au suspense qui entourait la tenue de l'élection d'avril prochain. Le scrutin aura lieu dans les délais constitutionnels. Mais une énigme reste toujours sans solution : l'attitude d'Abdelaziz Bouteflika dans ce scrutin va déterminer le degré de sa crédibilité. À exactement trois mois du scrutin présidentiel, les Algériens ne connaissent pratiquement aucun candidat à la plus importante élection à laquelle ils seront conviés. Tout le monde semble guetter un geste de la présidence de la République. C'est l'attitude d'Abdelaziz Bouteflika qui déterminera, visiblement, la position des autres potentiels et éventuels candidats. Or, sauf exception, l'actuel chef de l'Etat ne s'est jamais manifesté des semaines avant la fin des délais impartis au dépôt des dossiers au Conseil constitutionnel. L'homme aime nourrir les suspenses, et à chaque scrutin, il ne dévoile ses intentions qu'au dernier moment. Si lors des scrutins de 2004 et 2009, il avait annoncé lui-même son intention de briguer de nouveau un mandat à la tête de l'Etat, c'est par le biais de l'ancien Premier ministre, Abdelmalek Sellal, que la candidature de Bouteflika avait été annoncée en 2014. "Je vous annonce que le président Abdelaziz Bouteflika est candidat à l'élection présidentielle", avait indiqué Sellal lors d'un meeting tenu à Oran en février 2014. Ce n'était une surprise pour personne, et malgré son état de santé très délicat, le chef de l'Etat ne voulait rien lâcher. "Il a accepté le sacrifice", diront ses soutiens pour faire croire que la décision ne venait pas de lui. Le même scénario semble se répéter, cinq ans plus tard. Malgré une nette dégradation de son état de santé, le chef de l'Etat n'a visiblement pas renoncé à son rêve de mourir sur le trône. Sauf surprise de dernière minute, sa candidature pour un nouveau mandat présidentiel pourrait être annoncée au courant du mois de février. Il reste à mettre les formes pour cela. Sa voix étant inaudible, Abdelaziz Bouteflika ne pourra plus s'adresser aux Algériens. Il utilisera, comme d'habitude, un message écrit où il déléguera l'annonce à un de ses proches comme ce fut le cas lors du précédent scrutin. L'état de santé de Bouteflika en question En prévision de cette éventualité, les partis qui soutiennent le chef de l'Etat l'appellent déjà à briguer un nouveau mandat. Cela n'est, certes, pas nouveau, mais les partisans de la "continuité" ne laissent passer aucune occasion pour rappeler que le chef de l'Etat sera là autant de fois que possible. Autant dans les cérémonies officielles que dans les activités partisanes, les portraits d'Abdelaziz Bouteflika se conjuguent au passé, au présent et au futur. Pour combler l'absence physique de leur champion, les soutiens de Bouteflika jouent sur d'autres images ; il est présenté dans des tableaux de peinture, ses photos trônent partout et son nom est régulièrement cité. Avant une éventuelle annonce de sa candidature, Abdelaziz Bouteflika sortira dans les prochains jours dans la capitale. Il va, notamment, inaugurer la nouvelle grande mosquée d'Alger et la nouvelle aérogare internationale, dont les travaux sont achevés depuis plusieurs mois déjà. Dans ces conditions, les éventuels candidats de l'opposition vont certainement faire défection. D'Ali Benflis à Abderrezak Makri, en passant par Mohcine Belabbas du RCD et le mouvement Mouwatana, un consensus est quasiment dégagé : inutile de jouer au lièvre. C'est ce qu'a exprimé, hier, Abdallah Djaballah, président du parti islamiste d'El-Adala. Pour lui, l'élection présidentielle est un "grand mensonge". De son côté, le porte-parole du parti Talaie El-Houriat, Ahmed Adhimi, a affirmé que l'essentiel est de tenir des "élections propres et transparentes". Le président de ce parti, Ali Benflis, avait déjà insinué qu'il prendra sa décision lorsque le brouillard qui entoure le scrutin sera levé. Abderrezak Makri, président du MSP, qui a tout mis en œuvre pour reporter d'une année l'élection présidentielle, a, lui, dit clairement que son parti boycottera l'élection si le chef de l'Etat est candidat. On se dirige donc vers une élection sans véritables candidats. Ce qui aggravera l'abstention des électeurs. "Dans le cas d'une candidature de Bouteflika, les Algériens ne voteront pas. Même les partisans du chef de l'Etat penseront que les jeux étant faits, il ne servira à rien d'aller voter", a résumé, il y a quelques jours, le sociologue Nacer Djabi. Autant dire que le pays n'est pas sorti d'affaire ! Ali Boukhlef