"Participer à cette élection est surtout un moyen de tenter de minimiser les dégâts pour l'Algérie, sachant que cette élection se présente comme un danger pour le pays", a-t-il justifié. Le président du Mouvement de la société pour la paix (MSP), Abderrezak Makri, ne laisse quasiment plus de doute sur sa participation, du moins celle de son parti, à la présidentielle du 18 avril prochain. Cela, même si, pour mettre les formes, il préfère laisser la décision définitive au madjliss echoura (conseil consultatif), instance suprême du parti entre deux congrès. "La direction du parti soumettra sa proposition de participer à l'élection présidentielle au madjliss echoura. Oui, nous comptons bien prendre part à cette élection et sommes prêts à entrer en compétition. Car, pour nous, participer à cette élection est surtout un moyen de tenter de minimiser les dégâts pour l'Algérie, sachant que cette élection se présente comme un danger pour le pays", a, en effet, déclaré, hier au Forum de Liberté, M. Makri qui, il n'y a pas si longtemps, avait pourtant presque juré de ne pas entrer en compétition au cas où le président Bouteflika se porterait candidat à sa propre succession en briguant un 5e mandat. L'annonce de la participation — non encore formalisée — du MSP au scrutin d'avril prochain signifie-t-elle que la candidature de Bouteflika serait définitivement écartée ? Pas si sûr. Le chef du MSP estime que "personne ne sait, à présent, si Bouteflika se portera candidat ou pas, encore moins sur sa capacité d'aller au bout de sa candidature au cas où il se présenterait". Par ce propos, M. Makri suggère, on ne peut plus clairement, que l'état de santé de Bouteflika serait tel qu'il ne pourrait, sauf miracle, briguer un 5e mandat. M. Makri détiendrait-il l'information sur ce sujet précis pour anticiper sur sa participation ou a-t-il tout simplement changé d'avis pour accepter, désormais, d'y aller même si Bouteflika décide de se porter candidat ? M. Makri se contente de répondre que participer à cette élection l'intéresse et qu'il est, personnellement, prêt à entrer en compétition, même s'il avoue qu'un "flou total" entoure encore cette élection. "Aujourd'hui, nous sommes encore dans le flou total. Et les plus intéressés — par cette élection présidentielle — sont en train d'user de ce flou pour imposer leurs plans", a-t-il accusé, sans pour autant, nommer personne. "Nous sommes prêts à prendre part à cette élection, malgré les multiples embûches qui se dressent sur notre chemin", a-t-il soutenu, accusant certaines parties, également sans les nommer, de vouloir "écarter certains politiques de la compétition pour la présidentielle". "Aujourd'hui, il existe une certaine volonté d'éliminer en amont des partis politiques et de les effacer de la scène politique à la veille de l'élection présidentielle. Oui ! Il y a ceux qui veulent nous écarter de la scène politique", a-t-il dit. La présidentielle est un danger pour le pays Pour le président du MSP, l'élection présidentielle est porteuse de danger. Un danger qu'il ne précise cependant pas, mais qui serait lié, tente-il d'expliquer, au fait que cette élection arrive dans une période de crise multidimensionnelle, où certains clans voudraient accaparer le pouvoir par n'importe quel moyen et que le péril qui guette l'Algérie va au-delà de 2019. Selon lui, quels que soient les gouvernants d'après 2019, ils ne pourront faire face à la crise sociale et surtout économique qui se profile d'ici à 2020. Il met en avant l'argument que l'Etat algérien ne serait plus solvable vers 2021. Ce qui, pense-t-il, compliquera même un éventuel recours à l'endettement extérieur. D'où son insistance sur sa volonté assumée pour, décidément, se porter candidat pour, dit-il, ne pas laisser l'Algérie entre les mains des "prédateurs", allusion aux affairistes et autres corrompus notoires gravitant autour du système en place. "Si nous voulons prendre part à cette élection, c'est aussi pour parler au peuple, lors de la campagne électorale, du danger qui guette le pays. Car, nous ne voulons pas céder l'Algérie aux prédateurs", a-t-il fulminé, non sans décliner d'ores et déjà son slogan de campagne : "Pour le consensus, les réformes et la construction d'institutions pérennes." Autant dire que la participation du MSP d'Abderrezak Makri à l'élection présidentielle est quasiment actée et que son entérinement par le madjliss echoura ne sera, en réalité, qu'une formalité. À travers cette participation annoncée, M. Makri entend aussi "aider le pouvoir en place à partir, à se transformer d'un régime autoritaire en un régime démocratique". Il a appelé, dans la foulée, à "l'apaisement et à la sagesse". Car, de son point de vue, l'Algérie est partie pour vivre une "situation difficile" dans les toutes prochaines années, voire les mois à venir. "Je n'ai pas peur d'Ouyahia, mais de la fraude électorale" À ceux qui pensent qu'une participation à cette présidentielle dans les conditions actuelles serait comme jeter une bouée de sauvetage à un pouvoir affaibli et naufragé, M. Makri dit que ce n'est pas son idée. "Je respecte les gens qui pensent ainsi, mais je ne partage pas cette idée", s'est-il contenté de répondre avec une gêne à peine voilée. L'autre fardeau qui pèse également, dans ce sens, sur le chef du MSP est sans doute sa récente rencontre avec le frère du Président, Saïd Bouteflika. Une rencontre durant laquelle a été discutée l'idée, pour le moins surprenante, d'appeler au report de la présidentielle de 2019. Makri se défend que cette rencontre soit dictée par un quelconque opportunisme politique de sa part, mais, bien au contraire, elle le serait par sa "volonté de servir l'intérêt du pays". Pour lui, négocier avec le pouvoir ne veut pas dire faire alliance avec lui, mais plutôt exprimer ses divergences et ses différences. "Si nous avons accepté de parler avec des représentants du pouvoir c'est parce que nous ne sommes pas d'accord avec ce dernier. Et notre objectif était de trouver un terrain d'entente pour aller vers une transition politique négociée. D'où notre appel au report de la présidentielle pour nous donner le temps de réaliser cet objectif", a-t-il expliqué. Qu'en est-il de sa peur, récemment, exprimée par rapport à une éventuelle candidature du Premier ministre et chef du RND, Ahmed Ouyahia ? M. Makri a d'abord tenu à préciser que son intention n'était pas de barrer la route à Ouyahia, ce qui, dit-il, relève de "l'indécence". Il a ensuite, souligné que sa peur n'est pas liée à la personne d'Ouyahia, mais plutôt à la fraude électorale dont il pourrait se servir en tant que haut responsable de l'Etat. "Je n'ai pas peur d'Ouyahia, mais j'ai peur de la fraude électorale", a-t-il indiqué. Farid Abdeladim