"Une personne a aujourd'hui le pouvoir d'utiliser les moyens de l'Etat pour succéder à Bouteflika de force", selon Makri. "On a vu comment Ouyahia a harcelé récemment les walis", a-t-il déclaré. Le chef du Mouvement de la société pour la paix (MSP), Abderezzak Makri, est revenu longuement, hier, sur son appel au report de l'élection présidentielle d'avril 2019. Il en fait même, désormais, son choix prioritaire. Un choix qu'il justifie, particulièrement, par sa "peur de voir des parties au pouvoir succéder de force" au président Bouteflika. Makri n'a pas tardé à se faire plus explicite quant à l'identité de ces "parties". "Oui, nous avons peur. C'est la réalité. Nous avons peur que certains représentants du pouvoir s'imposent par la force. Nous avons peur parce qu'ils véhiculent des projets autoritaires", a-t-il répondu à une question d'un journaliste citant Ahmed Ouyahia et le vice-ministre de la Défense, chef d'état-major de l'ANP, Ahmed Gaïd Salah. "Il existe une personne qui a le pouvoir d'utiliser les moyens de l'Etat pour succéder à Bouteflika de force. Et celui-là ne nous arrange pas pour réaliser notre projet de trouver un consensus national", a ajouté le président du MSP, avant de lâcher : "Et comment ne pas s'inquiéter lorsqu'on a vu comment Ahmed Ouyahia a harcelé récemment les walis." M. Makri, qui a animé une conférence de presse en marge d'une rencontre organique de son parti, estime, par conséquent, que seul le report, même en violation des lois, permettra à la classe politique, pouvoir et opposition compris, de se donner le temps nécessaire pour trouver un consensus national et engager des réformes profondes. Il propose de fixer un échéancier d'une année. Pour lui, la solution doit "être trouvée en dehors des urnes". Quitte, dit-il, à mettre entre parenthèses toutes les lois de la République le temps de mettre en place de nouvelles. "Après tout, les lois ont été élaborées par des humains. Donc, elles peuvent être réformées ou carrément changées à n'importe quel moment. L'essentiel est d'œuvrer pour l'intérêt du pays", a-t-il plaidé. Il s'agit là, pense-t-il, de la meilleure solution pour sortir le pays de la crise. Pour le chef du MSP, le report de la présidentielle doit s'imposer même comme "option prioritaire" pour, dit-il, sauver le pays d'une tragédie similaire, voire pire que celle des années 90. Le report de la présidentielle, se défend-il encore, est d'autant plus nécessaire que l'option du 5e mandat serait, selon lui, devenue impossible et qu'aucun des potentiels candidats n'est prêt, alors qu'on est à quelques semaines de la convocation du corps électoral. "Le Président est incapable de se présenter pour un 5e mandat. Il est aussi incapable de choisir son successeur. Tandis qu'aucun des candidats potentiels n'est préparé pour cette échéance. Si l'option du 5e mandat était vraiment tranchée, la campagne aurait déjà été engagée depuis plusieurs mois", a-t-il expliqué, non sans avouer que l'idée du report de la présidentielle aura mûri chez lui après consultation de représentants de la classe politique dont certains du pouvoir. Selon des indiscrétions, l'idée lui aurait été soufflée par des proches du cercle présidentiel lesquels appréhenderaient également la prise du pouvoir par Ahmed Ouyahia. Un "détail" que M. Makri ne peut, évidemment, étaler publiquement. Néanmoins, sa certitude absolue de l'abandon de l'option du 5e mandat pour Bouteflika laisse entendre clairement qu'il serait "dans le secret des dieux". Mais Makri tempère un peu cette certitude lorsqu'il annonce que le MSP va boycotter l'élection présidentielle si jamais Bouteflika décide de se présenter. Il a précisé aussi qu'il refuserait un prolongement du mandat présidentiel actuel sans l'engagement d'un dialogue pour trouver le consensus et l'enclenchement d'un processus de réformes. Makri a indiqué, enfin, que dans le cas d'une présidentielle ouverte, donc sans Bouteflika dans la course, la participation ou non du MSP sera décidée par le madjliss echoura (conseil consultatif) du parti. Farid Abdeladim