La convocation du corps électoral par le chef de l'Etat en prévision de la présidentielle fixée pour le jeudi 18 avril prochain a été vite suivie de déclarations de candidature. Ils sont déjà une dizaine à avoir retiré les formulaires de souscription. Les profils sont différents. Certaines annonces paraissent, à bien des égards, folkloriques. D'autres, en revanche, captent l'attention, notamment celle solennelle et formelle du général-major à la retraite, Ali Ghediri, celle non encore actée d'Abderrezak Makri, président du MSP, et celle sous réserve d'Ali Benflis, chef de Talaie El-Houriat. Ces trois prétendants peuvent être considérés, à juste titre, comme des postulants sérieux, dont l'entrée en lice risque de servir, malgré eux, si Bouteflika venait à postuler à son tour pour un renouvellement de bail à El-Mouradia, à légitimer politiquement le 5e mandat. Le risque est réel, tant est que la candidature de Bouteflika n'est pas exclue, même si des acteurs politiques, à l'instar du chef du MSP, Abderrezak Makri, croient savoir que le chef de l'Etat serait quasiment hors course en raison de son état de santé qui se serait considérablement détérioré ces derniers temps. Car, si Bouteflika venait à postuler à sa propre succession, il serait peu pensable qu'il puisse perdre. D'aucuns savent que, s'agissant de Bouteflika, la participation est tout simplement synonyme de victoire. Dans ce cas, les candidatures annoncées, et celles qui viendraient s'ajouter pourraient se retrouver dans le rôle de lièvre dans une élection fermée. Il est sûr qu'ils ont conscience de ce risque. La question qui se pose alors est de savoir pourquoi ils le prennent. Ont-ils eu des assurances sur la non-candidature du chef de l'Etat ? Qui sait ? M. Makri a mis en avant cette probabilité. Il a avoué, avant-hier, au Forum de Liberté, qu'il ne détient pas la vérité, mais l'analyse qu'il fait de la situation "plaide pour cette éventualité". Il est possible également que le régime ait fait croire que Bouteflika ne sera pas dans la course au pouvoir pour leurrer les potentiels candidats et les amener à entrer en compétition. Dans ce cas de figure, les compétiteurs auront succombé à une opération de charme savamment orchestrée par le régime pour assurer à son candidat, qu'il s'agisse de l'actuel chef de l'Etat ou d'un autre, une compétition qui aura drainé plus d'un concurrent, y compris de l'opposition. D'aucuns ont en mémoire de quelle manière le DRS a fait croire aux rivaux de Bouteflika que l'armée était contre sa réélection et qu'il n'allait pas passer. Par ailleurs, il y a lieu de s'interroger sur les raisons qui ont fait que cette élection a subitement suscité l'intérêt des candidats de l'opposition, alors que l'appréhension de la fraude reste grande. Les candidats à la candidature ont-ils eu des assurances quant à la régularité du scrutin ? Autrement dit, ont-ils été rassurés sur l'ouverture du jeu électoral en avril prochain ? Ce sont toutes ces questions qui s'imposent, lorsque l'on sait que M. Makri et M. Benflis, par exemple, ont, de tout temps, dénoncé le recours à la fraude électorale par le pouvoir pour se maintenir et se pérenniser. Un pouvoir qui n'a toujours pas fait preuve de volonté d'organiser une élection libre. Le refus de mettre à la disposition des candidats le fichier électoral et d'instituer une instance indépendante d'organisation des élections revendiquée par l'opposition témoignent de ce manque de volonté. La responsabilité des candidats est grande. À moins que leur participation ne procède d'autres considérations. Le président du MSP dit vouloir exploiter l'opportunité d'une campagne électorale pour élargir la base de son parti. L'intérêt partisan vaut-il une prise de risque de légitimer un 5e mandat qualifié de danger pour le pays par le même Makri ? Mohamed Mouloudj