De mémoire de Constantinois, rarement une procession citoyenne n'a regroupé autant de personnes, car depuis la marche des démocrates au début des années 1990, jamais un rassemblement voué à l'exercice démocratique, dénonçant le pouvoir en place, n'a eu un tel retentissement. Ce sont donc des milliers de personnes qui ont marché, hier, à Constantine, contre le cinquième mandat du président Bouteflika, et c'est vers 13h30 que des petits groupes, surtout de jeunes, ont commencé à affluer vers la place mitoyenne avec le palais de la culture Mohamed-El-Aïd-El-Khalifa et à brandir des pancartes hostiles au cinquième mandat ou seulement l'emblème national. Au fil des minutes, le rassemblement grossissait pour constituer une véritable marée humaine et prendre la forme d'une procession sans la moindre coloration politique ou doctrinale apparente. Les marcheurs, qui ont d'abord fait le tour de la place du 1er-Novembre, sont rejoints, au fil des minutes, par d'autres groupes de jeunes et moins jeunes qui arrivaient de toutes parts, des quartiers situés à la périphérie du centre-ville notamment. En moins d'une demi-heure, leur nombre est démultiplié pour dépasser largement les 10 000 âmes, scandant des slogans où le nom de Bouteflika et de son frère cadet revenaient sans cesse. Mêmes des femmes se sont jointes à la marche, des vieilles surtout, qui ont très vite repris les slogans des plus jeunes en y mêlant des youyous. Leurs slogans : "Djazayer horra dimocratia", "FLN dégage", "Bouteflika, makach ouhda khamssa" ou encore "kcentina ma fihach el-kachir" sont répétés à tue-tête par les manifestants qui ont sillonné les principales artères de la ville placée sous haute surveillance depuis la veille déjà. Aucun incident n'a été signalé car aucune provocation n'a été enregistrée, que ce soit de la part des manifestants ou des services de sécurité qui ont littéralement quadrillé la cité. Les marcheurs n'atteindront, néanmoins, pas le cabinet du wali de Constantine, puisqu'ils seront stoppés net par les brigades antiémeutes au rond-point de la Pyramide. Ils y resteront quelques minutes avant d'emprunter le Boulevard Abane-Ramdane pour revenir au point de départ où un gigantesque rassemblement a été tenu pendant plusieurs minutes. 2 000 marcheurs avaient donné la réplique la veille La veille, jeudi, ils étaient près de 2 000 citoyens, des jeunes pour la plupart, à s'être rassemblés, dès 13h, devant la délégation communale de Sidi Rached, située en plein centre-ville de Constantine, pour accueillir le candidat à la candidature, Rachid Nekkaz, qui poursuit sa tournée à travers les différentes wilayas du pays pour booster l'opération de collecte de signatures en perspective de la présidentielle du 18 avril prochain. Accueilli en héros par les jeunes qui l'ont porté en triomphe en scandant des slogans hostiles au cinquième mandat et au président Bouteflika, Rachid Nekkaz semble bénéficier désormais d'une cote de popularité ascendante, notamment après les incidents qui ont marqué sa virée à Khenchela et après la sortie impromptue et provocante du P/APC du chef-lieu de cette wilaya. Un élan de solidarité et de sympathie pour le candidat Nekkaz qui exprime surtout un ras-le-bol citoyen et une avidité plus que jamais exprimée pour le changement. Preuve en est, la marche qui a suivi le bain de foule de Rachid Nekkaz, organisée par des centaines de jeunes qui ont sillonné les principales artères de la ville des Ponts, sous escorte policière, mais sans heurts, en scandant les mêmes slogans qu'hier. La procession de jeunes, qui a pris le même itinéraire en direction du cabinet du wali via l'avenue Abane-Ramdane, a été également bloquée à la place de la Pyramide par les services de l'ordre. Sur place, les marcheurs entonneront l'hymne national avant de reprendre leur cortège, traversant le boulevard Belouizdad (ex-Saint-Jean) pour enfin revenir à la place du 1er-Novembre, paralysant, pendant plus d'une heure de temps, la circulation automobile au centre-ville.