Artisan de la carrière politique du patron de la Maison-Blanche, Karl Rove est mis en cause dans l'affaire Valérie Plame, l'agent de la CIA dont le nom a été révélé au public en 2003. Considérée comme l'éminence grise de George Walker Bush, qui n'a d'ailleurs pas manqué de le saluer comme l'architecte de sa réélection en novembre dernier, Karl Rove serait derrière la divulgation du nom de l'agent du FBI, Valérie Plame, aux médias. Si la journaliste du New York Times, Judith Miller, a été emprisonnée pour avoir refusé de divulguer ses sources dans cette affaire, Matthew Cooper, journaliste de l'hebdomadaire Time, a, par contre, fini par accepter de témoigner sur sa source, Karl Rove. La révélation de ce qui s'apparente à un véritable scandale politique met le président des Etats-Unis dans l'embarras. Ayant pris publiquement l'engagement de limoger toute personne ayant révélé le nom d'un agent secret, Bush se retrouve confronté à un grand dilemme. Ira-t-il jusqu'à lâcher celui qui est à l'origine de sa réussite politique ? La question mérite d'être posée, parce que celui que les analystes-politiques américains surnomment le “cerveau de Bush”, “petit génie”, voire “la fleur sur un tas de fumier” est le plus proche collaborateur du président. Par ailleurs, révéler l'identité d'un agent de la CIA est considéré comme un crime fédéral aux Etats-Unis. La gêne de Bush est d'autant plus grande car une amitié de plus de 20 ans lie les deux hommes. Karl Rove s'est employé dès les années 1980 à préparer le terrain pour l'élection de George W. Bush, de quatre ans son aîné, au poste de gouverneur du Texas, ce qu'il réussit à faire, à la surprise générale, en 1994. Selon James Moore et Wayne Slater, les auteurs de l'ouvrage Le Cerveau de Bush ou comment Karl Rove a rendu George W. Bush présidentiable, une biographie critique, le gourou politique du président s'est servi de l'arme de la rumeur, tout en brouillant suffisamment les pistes pour que leur origine ne puisse pas remonter jusqu'à lui. Il est ainsi soupçonné d'avoir lancé des insinuations sur l'homosexualité d'Ann Richards, battue pour le poste de gouverneur du Texas par George W. Bush, puis celle sur des enfants illégitimes de John McCain, un sénateur républicain, adversaire malheureux du futur président lors des primaires de leur parti en 2000. Les démocrates affirment reconnaître son empreinte dans la campagne de spots télévisés financée par des anciens combattants du Vietnam dénigrant les faits d'armes pendant cette guerre de John Kerry, adversaire de Bush lors de la dernière élection présidentielle. Le soutien de plus en plus fort qu'apporte le locataire du bureau ovale à Karl Rove, alors que l'affaire prend une tournure politique avec les nombreux appels à sa démission ou à son limogeage, montre l'embarras dans lequel se trouve Bush. Il est allé jusqu'à appeler les Américains à ne pas préjuger de la culpabilité de M. Rove et à faire preuve de patience tant que l'enquête n'est pas terminée. K. ABDELKAMEL