Une première dans les annales de la justice algérienne. Des magistrats qui rejoignent le mouvement populaire contre le 5e mandat et le système. Ils étaient une vingtaine de juges à la cour de Béjaïa à briser, hier, la chape de plomb en observant un rassemblement dans l'enceinte de leur institution. La matinée, les avocats et les greffiers ont tenu séparément dans l'enceinte de la cour des rassemblements pour contester le 5e mandat et demander le départ du système. Ils scandaient à tue-tête des slogans hostiles au pouvoir tels que "Pouvoir assassin", "Nidhal, nidhal hata isqat nidham" ou "Non au 5e mandat" et "Système dégage". "Nous ne pouvons pas rester en marge de l'Histoire. Le peuple veut récupérer sa souveraineté et nous sommes à ses côtés", a déclaré le président du barreau de Béjaïa, Salem Khatri, qui clame au nom de ses confrères "le rejet des élections de la honte et non au système érigé sur la rapine". Dans la foulée, l'intervenant déclare : "Nous savons que les magistrats sont de tout cœur avec nous." Et à la foule de scander en chœur : "Ya el koudhat (juges) descendez ne craignez rien." Le moment fort et émouvant c'est lorsque des juges sont sortis de la cour en déployant une banderole géante sur laquelle était écrit : "Les magistrats sont les enfants du peuple et ils jugent au nom du peuple, ils demandent le respect de sa volonté." Ils ont été accueillis par un tonnerre d'applaudissements des avocats et des greffiers. Les magistrats manifestants ont subitement décidé d'observer un rassemblement avec les avocats et les greffiers devant l'entrée de la cour de Béjaïa. "Les juges sont les enfants du peuple et nous avons décidé de joindre notre voix à celle du peuple en cette phase historique pour manifester notre adhésion", a déclaré le juge Issaâd Mabrouk à l'adresse des manifestants et du grand public, venus les encourager pour leur bravoure. Et d'ajouter : "Nos aînés ont libéré le pays, nous nous libérons l'humain." Dans la cour du palais de justice, le même juge prend la parole aux côtés des avocats pour affirmer qu'ils n'encadreront pas le scrutin du 18 avril et qu'ils se battront pour le respect de la Constitution, de la volonté populaire et de l'indépendance de la justice. Il y a lieu de signaler qu'une dizaine de juges de Béjaïa a été convoquée, samedi dernier, par l'inspection des magistrats du ministère de la Justice, apprend-on auprès d'une source sûre.