La énième provocation du pouvoir consistant à imposer un "putsch" au peuple a fait réagir ce dernier de la plus belle des manières. Des centaine de milliers de citoyens sont sortis à Bouira, hier, pour répondre au régime, rejetant la prolongation du mandat de l'actuel Président et exigeant le départ du système. Selon plusieurs estimations recoupées, ils étaient plus de 230 000 manifestants à battre le pavé avec un seul et unique mot d'ordre "Tetnahaw gaâ" (vous allez tous partir). Pour ce quatrième vendredi de révolte populaire à Bouira, les femmes ont massivement marqué leur présence tout comme le 8 mars dernier. Plusieurs carrés constitués de familles ont marché dans une ambiance bon enfant qui reflète, on ne peut mieux, "la révolution joyeuse de ce peuple épris de liberté". "Cette caste qui nous gouverne nous prend vraiment pour des imbéciles (…) Qu'ils partent tous, sans exception", dira Ahcène Guettaf, ex-élu FLN ayant rejoint la contestation populaire lors de la marche du 22 février. Pour Hanane, une enseignante et militante des droits de l'Homme, l'offre du régime est, selon elle, une "insulte" au peuple et à ses revendications. "Ce pouvoir est non seulement agonisant, méprisant, mais atteint de surdité aiguë. Notre génération a rendu son verdict et il est irrévocable : qu'ils dégagent tous", a-t-elle tranché. Pour Tahar Ould Amar, ancien journaliste et militant de la cause amazighe, ces manifestations sont la preuve ultime que ce peuple "vit toujours" et "fait preuve d'une incroyable conscience". "Les sacrifices de Tahar Djaout, de Matoub Lounès et de tant d'autres ont finalement porté leurs fruits (…) Là où ils sont, je suis certain qu'ils sont fiers de ce peuple et de son incroyable réveil." Pour ce qui est des pancartes brandies et des slogans scandés lors de cette démonstration de force, ils vont des plus classiques, à savoir "Le peuple veut la chute du régime", "Système dégage", aux plus insolites tels que "Allah Allah ya baba djina nahiw el aissaba" (Allah Allah ya baba, nous sommes venus déboulonner le gang), en passant par des messages adressés aux puissances étrangères : "Ni Washington ni Paris, c'est le peuple qui désigne son Président." Les rangs ne cessaient de grossir au fur et à mesure que la foule avançait. Lors d'une halte au niveau de l'espace de la Maison de la culture Ali-Zamoum, l'immense foule a observé une minute de silence à la mémoire des martyrs de la guerre de Libération nationale, ainsi qu'à celle de ceux du Printemps noir, avant de se disperser dans le calme. RAMDANE BOURAHLA