Plus de deux mois après le premier vendredi, le 22 février dernier, des grandes manifestations pacifiques contre le système, la situation est encore loin d'évoluer vers ce que souhaite le peuple, à savoir le départ de tous les représentants du pouvoir. En effet, hormis la démission du président Bouteflika, précédée par le remaniement du gouvernement, aucun autre changement notable n'est à signaler à ce jour. Jusqu'où iront les décideurs dans leur entêtement à ne pas lâcher le pouvoir ? À présent, ces derniers n'affichent aucune volonté allant dans ce sens. Bien au contraire ! Les tenants du pouvoir, à leur tête le chef d'état-major de l'armée, Gaïd Salah, qui incarne, de fait, la plus haute autorité du pays après la démission du président Bouteflika, continuent d'ignorer royalement les revendications populaires. Après le départ de Bouteflika, le peuple refuse, naturellement, de reconnaître le président intérimaire, Abdelkader Bensalah, étant l'un des hommes forts du très contesté clan présidentiel qui confisque le pouvoir depuis 1999. Bensalah s'est imposé par la force du cadre constitutionnel que cautionne l'armée. Si ce choix est clairement rejeté par le peuple qui refuse que des responsables hérités de l'ère Bouteflika décident à sa place de son destin, à travers l'organisation annoncée de l'élection présidentielle, l'armée se montre, à présent, indifférente à cette réclamation réitérée notamment chaque vendredi. Le peuple ne fait pas confiance à tous ces personnages, notamment aux "trois B" (Bensalah, Bedoui et Belaïz). Il refuse que ce soit ces derniers qui gèrent la transition telle que préconisée par l'institution militaire. Et c'est justement cela le principal, sinon le seul point de discorde entre le peuple et l'armée. Si dans ces discours tenus avant la démission du président Bouteflika, le chef d'état-major Gaïd Salah était plutôt favorable aux revendications populaires, ces derniers temps, notamment depuis l'investiture de Bensalah, il a, bizarrement, changé de ton. Dans son dernier discours prononcé depuis Oran, il est même passé aux menaces contre le même peuple qu'il feignait de défendre. Ces menaces ont été suivies par la répression des dernières manifestations pacifiques, notamment la grande marche de vendredi passé à Alger. C'est dire que le pouvoir tente de se maintenir par tous les moyens. Pour les initiés, si les décideurs ne veulent rien lâcher, c'est parce qu'ils traînent tellement de casseroles et qu'ils craignent de rendre des comptes une fois sortis du pouvoir. Face à cet entêtement aveugle, la détermination du peuple pour les "dégager" est toujours intacte. Devant ce bras de fer, il est à se demander comment le pouvoir compte organiser une élection présidentielle rejetée par tout le peuple ? Comment les décideurs comptent-ils encore faire pour continuer à gouverner contre la volonté populaire ? La raison voudrait qu'une solution soit trouvée avant qu'il ne soit trop tard.