La justice algérienne vient de procéder à la réouverture de plus de 6 600 dossiers, tous en suspens durant la période allant de 2009 à 2019, et liés à des soupçons sur des faits de corruption, des faits avérés de corruption et de transfert illégal des devises, apprend-on de bonnes sources. Annoncés le 1er avril dernier par le parquet général près la cour d'Alger, ces dossiers ont été rouverts dans le cadre des enquêtes préliminaires qui sont mises en œuvre pour des faits de corruption et de transfert illicite de capitaux vers l'étranger et qui touchent tous les secteurs d'activité publics et privés, des personnalités politiques, des P-DG de groupes privés et publics, des hauts cadres des institutions financières et des députés. Et si le parquet général se voulait rassurant en prenant à témoin l'opinion publique, il est clair que toutes les personnes concernées par ces enquêtes sont frappées de l'interdiction de sortie du territoire national (ISTN), et ce, en application des dispositions de l'article 36 bis-1 du code de procédure pénale. Selon notre source, sur les 6 600 affaires en cours de traitement, près de 1 300 dossiers ont déjà été constatés par les enquêteurs. Ces affaires pourraient, très prochainement, être renvoyées devant les juges d'instruction, d'autant plus que plusieurs personnalités qui voulaient quitter le territoire national, en possession de devises, ont été refoulées des aéroports d'Algérie et des postes frontaliers algéro-tunisiens. Selon nos sources, les enquêteurs s'intéressent aussi aux parlementaires, aux membres du gouvernement et de la Cour des comptes, au gouverneur de la Banque d'Algérie, aux ambassadeurs et consuls, aux magistrats, aux présidents et membres des Assemblées populaires communales (APC) et Assemblées populaires de wilaya (APW), aux agents publics occupant de hautes fonctions et aux agents publics définis par la Direction générale de la Fonction publique (DGFP), concernés par la déclaration de patrimoine conformément à l'article 6 de la loi 06-01 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption. Les enquêteurs s'intéressent de près à l'influence que ces personnes pourraient avoir dans la prise de décision dans l'octroi des crédits et des marchés publics en violation avec les lois en vigueur. Demande de gel de 162 comptes à l'étranger Par ailleurs, l'Algérie a officiellement formulé une demande à plusieurs pays de procéder au gel de 162 comptes courants et des comptes épargne détenus par de hautes personnalités politiques et hommes d'affaires algériens qui avaient transféré illégalement, via le procédé de surfacturation, des sommes faramineuses en euros et en dollars américains. Selon une source proche du dossier, parmi ces personnalités figurent des anciens ministres, des députés, des sénateurs, des DG et des P-DG d'entreprises et de grands groupes, des opérateurs économiques, comme ceux qui exercent dans l'industrie du textile, les produits pharmaceutiques, l'agroalimentaire, l'électroménager, le bâtiment et les travaux publics et des propriétaires des concessions et des usines de montage automobile. Selon la même source, ces comptes avaient été alimentés grâce aux montants colossaux transférés entre 2009 et 2019 dans le cadre des opérations d'importation des biens d'équipements, de kits d'assemblage, de produits finis et semi-finis et autres matériaux, tous surfacturés grâce à la complicité de réseaux bancaires nationaux et internationaux. Cet argent, par ailleurs blanchi dans l'immobilier, les voitures de luxe, le paiement des études à leur progéniture, les voyages, mais aussi placé dans des réseaux internationaux de blanchiment d'argent, a été transféré en totale violation des lois et des règlements en vigueur et relatifs au transfert de capitaux et de change. Parmi les institutions financières concernées par cette demande figurent des banques espagnoles, suisses, françaises, coréennes, anglaises, arabes et africaines. Ces capitaux transférés, révèle notre source, ont été décelés par plusieurs organismes publics et privés de notoriété internationale et des banques. Dans le même sillage, notre source révèle que des enquêteurs spécialisés sont déjà à pied d'œuvre pour éplucher ces dossiers constatés, et pourront, dans un proche avenir, élargir le nombre de demandes de gel de comptes à l'étranger sur la base des données qu'ils collecteront lors des investigations. Raison pour laquelle, plusieurs cadres, dont des P-DG et des DG qui exercent dans les institutions financières, sont frappés par des ISTN à titre conservatoire, tant que les enquêteurs n'ont pas encore achevé la collecte des données. Bien plus, la récente installation d'un comité de veille et de suivi, chargé de suivre l'évolution des transferts en devises vers l'étranger, n'est pas anodine. Ledit comité a finalement été installé pour renforcer la vigilance en matière de transactions financières avec le reste du monde et superviser toute démarche de la commission de contrôle des changes qui examine toute opération financière effectuée au niveau des banques. Dans le même sillage, la vigilance a également été renforcée au niveau des impôts pour contrôler les entreprises demanderesses de devises et leur traçabilité. Pour le moment, les enquêteurs spécialisés épluchent tous les dossiers suspectés et travaillent en coordination avec la commission de contrôle des devises, les présidents des conseils d'administration, les P-DG et DG, les présidents des directoires des banques et la Cellule de traitement du renseignement financier (CRTF).Signalons, enfin, que les auditions se poursuivent au niveau de la section de recherche de la Gendarmerie nationale de Bab-Jdid (Alger) et des brigades financières relevant de plusieurs services de sécurité.