Du temps où l'actuel ministre des Finances, Mohamed Loukal, était à la tête de la BEA, Nutris SPA, propriété des Kouninef, s'est vu octroyer un crédit bancaire faramineux pour financer un projet d'usine de trituration de graines oléagineuses manifestement surévalué. La convocation par les instances judiciaires de l'ex-Premier ministre, Ahmed Ouyahia, mais aussi et surtout de l'actuel ministre des Finances, Mohamed Loukal, dans le cadre d'enquêtes liées à des soupçons de "dilapidation de deniers publics et d'octroi illégal d'avantages indus", pourrait très vraisemblablement être motivée par leur implication dans des affaires engageant notamment les frères Kouninef, dont on sait toute la proximité et l'influence au sein du clan Bouteflika. De fait, cette réaction de la justice, faut-il le relever de prime abord, intervient à peine quelques jours après l'appel du chef d'état-major de l'armée, Ahmed Gaïd Salah, à diligenter le traitement judiciaire de différents dossiers de corruption impliquant, selon son propos, "certaines personnes ayant bénéficié indûment de crédits bancaires estimés à des milliers de milliards…". En ce sens, les propriétaires du groupe Kougc et de sa filiale Nutris, la famille Kouninef en l'occurrence, seraient, de fait, en tête de liste des personnes pouvant être ciblées par les accusations formulées par le chef d'état-major de l'Armée nationale populaire (ANP), de par leurs relations plus qu'étroites avec Saïd Bouteflika, le frère du président déchu, mais aussi au regard des financements bancaires colossaux dont ils ont bénéficié ces dernières années, souvent pour des projets aux coûts très probablement surévalués. Ainsi, du temps où l'actuel ministre des Finances, Mohamed Loukal, était à la tête de la Banque extérieure d'Algérie (BEA), Nutris SPA, propriété à parts égales de Réda, Karim et Noah Kouninef, ainsi que de leur mère et de leur sœur, s'est vu octroyer un crédit bancaire pour le moins faramineux en vue du financement d'un projet d'usine de trituration de graines oléagineuses à Jijel. Paraphée en date du 27 décembre 2015, notamment par le responsable des engagements de la BEA, devenu par la suite P-DG de cette banque, la convention de crédit relatif à ce projet d'usine, qui attend toujours d'entrer en activité, portait sur un montant global de plus de 20 milliards de dinars, débloqué par un consortium de trois grandes banques publiques chapeauté par la BEA et composé, en plus de celle-ci, de la Banque nationale d'Algérie (BNA) et de la Caisse nationale d'épargne et de prévoyance (Cnep). Assorti de beaucoup d'avantages, en plus de ceux accordés par l'Andi, de différés de paiements et de bonifications d'intérêts, ce financement bancaire alloué aux Kouninef avait fini par susciter de graves soupçons de complaisance surtout par son caractère colossal par rapport aux évaluations rationnelles des coûts du projet auquel il est destiné. Des suspicions de très fortes surévaluations sur le dos des banques et du Trésor public qui furent par la suite d'autant plus mises en évidence par des blocages injustifiés de projets similaires de trituration de graines oléagineuses, lancés par des opérateurs concurrents pour des coûts nettement moins élevés et des équipements, ainsi qu'un potentiel de production et d'exportation bien plus importants. Si ces très fortes suspicions autour de possibles avantages et crédits de complaisance qui auraient été accordés aux Kouninef par certains responsables et banquiers, dont Loukal et Ouyahia, restent, cependant, encore à confirmer par la justice, le fait est que les dirigeants politiques et les oligarques proches de l'ancien clan présidentiel devront sans doute être les premières cibles de toute campagne judiciaire qui sera menée en cette période contre des faits de corruption et de dilapidation d'argent public. Il reste que les Kouninef ne sont pas les seuls à avoir bénéficié d'avantages indus grâce à leur proximité avec la famille Bouteflika. Il faut sans doute s'attendre à voir défiler devant la justice d'autres proches du clan présidentiel déchu.