Bravant le jeûne, la chaleur et la matraque des policiers, les étudiants sont sortis, encore hier, pour un mardi révolutionnaire, demander le départ du système tout en refusant qu'il soit remplacé par un pouvoir militaire. C'est une marche symbolique qui a été menée, hier, par les étudiants. Bravant le jeûne, la chaleur et la matraque des policiers qui ne les pas épargnés, ils ont, ainsi, marqué leur 12e mardi par des images fortes, à la hauteur de leur détermination. Partant de la Grande-Poste, ils sont passés, tour à tour, par l'Assemblée populaire nationale (APN), le tribunal de Sidi M'hamed et, au retour, par la wilaya et boucler la boucle en rejoignant l'emblématique place de la Grande-Poste. Un itinéraire imaginé avec génie par les étudiants organisateurs qui ont décidé de ne plus se laisser confiner entre la Grande-Poste et la Faculté centrale sans aucune autre marge de manœuvre. "C'est une marche que nous voulons et non un rassemblement qui nous a été imposé par la force des choses et la matraque", ont confié les étudiants organisateurs qui, munis de mégaphones, mènent la marche. Et c'est à la rue Asselah-Hocine que les étudiants, bloqués par les policiers un long moment, ont gagné leur première bataille annonciatrice d'un parcours sans pareil. S'en est suivie, alors, une grande marche qui a guidé leurs pas vers l'APN où ils ont reçu les premiers coups de matraque. Mais rien n'y fit. Ils ont d'abord refusé de répondre aux provocations en opposant "Silmiya, silmiya", et poursuivi leur chemin, semé de haltes porteuses de messages. Ils ont dit "refuser ces parlementaires qui ne représentent pas le peuple". Ils disent "refuser le FLN en tant que parti et qui n'a plus de raison d'être". Ils ont dit aussi "refuser une justice qui demeure aux ordres et de cesser ces procès qui ne sont que des simulacres". Et tout au long de ce parcours, qui n'a pas été sans heurt avec les éléments de la police, ils ont surtout dit à Gaïd Salah, vice-ministre de la Défense, chef d'état-major de l'ANP, de "cesser sa mascarade". Et sans détour aucun, ils ont scandé "Gaïd Salah dégage", et ont chanté "Sorry, Sorry Gaïd Salah, had echaâb machi djayeh, doula madania machi asskaria" (Désolé Gaïd Salah, ce peuple n'est pas dupe, Etat civil et non militaire). Mais c'est surtout l'arrivée des étudiants au tribunal de Sidi M'hamed qui semble avoir fortement dérangé les policiers. Ces derniers n'ont pas hésité à user de la violence en les matraquant. Loin d'être ébranlés, les étudiants ont scandé "Indépendance de la justice" avant de se diriger vers la wilaya sous les regards approbateurs et admiratifs de leurs aînés qui n'ont pas manqué de leur envoyer des messages de soutien. Certains iront jusqu'à les rejoindre et marcher avec eux. D'autres les arroseront d'eau en cette journée de forte chaleur. Sans s'arrêter, sans s'essouffler, ils n'ont pas cessé de scander des slogans hostiles au pouvoir : "Tous des traîtres, houkoumet el-cocaïne", "La transition, c'est l'affaire du peuple", "Halte aux arrestations pour des délits d'opinion", "Gaïd Salah ça suffit, massrahiya aïnani" (Gaïd Salah ça suffit de jouer cette flagrante pièce de théâtre), "Etudiant s'engage, système dégage", "Makach intikhabat maâ îssabat" (pas d'élection avec la mafia), "Bensalah dégage, Bedoui dégage, Fenniche dégage", etc. Le retour à l'esplanade de la Grande-Poste ne fut pas aisé non plus. C'est là aussi que les policiers ont placé un cordon de sécuriyé infranchissable pour empêcher les étudiants d'avancer. L'affrontement a fini par dégénérer, car dans la grande bousculade, les policiers ont redoublé de violence, donnant des coups de matraque à tout-va, tentant même d'embarquer des étudiants n'étaient des citoyens et leurs camarades qui sont intervenus pour les leur arracher des mains. Là aussi la détermination des étudiants a triomphé. Ils ont rejoint les marches de la place de la Grande-Poste en conquérants. "Nous vaincrons avec notre éveil, notre prise de conscience et notre pacifisme", disent ces jeunes pleins d'espoir et qui souhaitent des jours meilleurs. Il apparaît clairement que la marche grandiose des étudiants, hier, a été une preuve supplémentaire que le pouvoir en place, qui fait la sourde oreille aux revendications du peuple, est dos au mur. "Saïmoune, samidoune ila lil îssaba rafidoune", les entend-on scander, comme pour affirmer que c'est loin d'être fini. Nabila Saïdoun