La réunion du Comité de suivi ministériel conjoint (JMMC), qui a regroupé hier à Djeddah, en Arabie saoudite, les principaux pays membres de l'Opep et d'autres producteurs majeurs, dont la Russie, afin d'examiner l'évolution du marché pétrolier et le respect d'engagements pris l'an dernier sur une baisse de la production pétrolière mondiale, s'est déroulée sur fond de tension entre l'Iran et l'Arabie saoudite et de craintes d'une crise d'approvisionnements mondiaux en brut. Cette nouvelle donne géopolitique s'est invitée à la réunion. L'atmosphère y était tendue. À cette occasion, Riyad cherchait des soutiens auprès de ses pairs de l'Opep. Elle voit dans l'Iran une menace encore plus urgente et plus sérieuse qu'il faudrait contrer par tous les moyens possibles, mais sans doute en coordination étroite avec les Etats-Unis. Riyad a accusé l'Iran d'avoir ordonné l'attaque, qui a visé une cible pétrolière développée pour contourner le détroit d'Ormuz, que l'Iran menace de fermer en cas de conflit avec les Etats-Unis. L'Arabie saoudite ne semble, toutefois, pas souhaiter qu'une guerre éclate dans la région, comme l'a affirmé, hier, le ministre d'Etat saoudien aux Affaires étrangères, Adel al-Jubeir, tout en assurant que Riyad était prêt à se défendre. Le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, lui, s'est entretenu samedi dernier au téléphone avec le secrétaire d'Etat américain, Mike Pompeo, des mesures à adopter pour renforcer la sécurité dans la région du Golfe. Et, en contrepartie de quoi, le royaume assure, en coordination avec d'autres pays Opep et non-Opep, un approvisionnement stable en pétrole. Du reste, Riyad se déclare prêt à augmenter ses extractions pour compenser la baisse des exportations iraniennes. Une telle décision pourrait évidemment susciter la colère de Téhéran et remettre en question l'avenir de l'Opep, dont l'Iran est un membre influent. Le président américain, Donald Trump, avait affirmé en avril dernier que l'Arabie saoudite et d'autres pays de l'Opep avaient accepté d'augmenter leur production de pétrole pour en faire baisser les cours. Cela va l'aider à affaiblir l'Iran. Le vœu américain est de réduire les exportations de pétrole de l'Iran à zéro. La production iranienne de brut était de 2,6 millions de barils par jour en avril, contre 3,9 millions en avril 2018, un mois avant le retrait unilatéral de Washington de l'accord sur le nucléaire iranien de 2015. À son plus bas niveau en cinq ans, la production iranienne pourrait chuter en mai à des niveaux sans précédents depuis la guerre Iran-Irak (1980-1988). Les exportations iraniennes passeront de 1,4 million de barils par jour en avril à environ 500 000 en mai, contre 2,5 millions de barils en temps normal, d'après le cabinet Kpler. Mais malgré la chute des exportations de pétrole iranien et vénézuélien et une baisse de la production des membres de l'Opep à hauteur de 1,2 million de barils par jour depuis janvier dernier, les stocks de brut continuent d'augmenter, selon le ministre émirati de l'Energie, Souheil al-Mazrouei. "Les producteurs doivent encore s'efforcer d'équilibrer le marché", a déclaré le ministre à l'occasion de la réunion d'hier à Jeddah, une façon de souligner que toute accélération de la production pourrait entraîner une chute des prix similaire à celle de fin 2018. Voilà un défi de taille pour le Comité de suivi ministériel conjoint. Celui-ci est chargé d'examiner le rapport mensuel préparé par son Comité technique mixte (JTC) et les développements récents sur le marché mondial du pétrole, ainsi que les perspectives pour le reste de l'année 2019. Youcef Salami