L'Iran craint que l'engagement de juin dernier ne soit, tout compte fait, une concession faite aux grands producteurs dont l'offre est capable de compenser les pertes des autres membres. La tension monte d'un cran au sein de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep). L'Iran, troisième plus grand producteur de l'Organisation, demande une réunion extraordinaire du comité chargé du suivi de la conformité aux accords conclus en décembre 2016. Ce comité, présidé par l'Arabie saoudite, siègera au mois de septembre à Alger, mais l'Iran dit avoir recensé des ingrédients plaidant pour la tenue d'une réunion extraordinaire. L'Iran accuse certains membres de l'Opep, dont l'Arabie saoudite, son ennemi juré, d'avoir failli à leur engagement de juin dernier en se mettant à pomper sans retenue. Dans une lettre adressée à son homologue émirati, président de l'Opep en exercice, le ministre iranien du Pétrole a estimé que l'Opep pourrait devoir tenir une réunion extraordinaire si l'Organisation peinait à rappeler à l'ordre certains de ses membres dont la production ne fait que croître depuis les réunions des 22 et 23 juin dernier à Vienne. À l'issue de ces réunions, l'Opep et ses partenaires non-Opep ont convenu d'élever les niveaux de production de près d'un million de barils par jour, ne fixant plus aucun objectif quant à son offre globale et celle de chacun de ses membres. L'Iran se sent trahi. Son ministre du Pétrole, Bijan Zanganeh, a déclaré que le pacte d'approvisionnement, conclu en juin, ne donnait pas aux pays membres de l'Opep le droit d'augmenter la production de pétrole au-dessus de leurs objectifs. L'Arabie saoudite était dans son viseur. Dans sa lettre adressée au président de l'Opep, reprise par Reuters, Bijan Zanganeh dit avoir constaté des dépassements ; des membres qui se sont mis à pomper bien au-delà de leurs quotas sans que le comité en charge de la surveillance de la conformité des producteurs aux accords de l'Opep-non Opep daigne prendre acte. "Si le JMMC (comité de surveillance de la conformité aux accords) ne remplit pas son mandat et s'il y a une compréhension différente de la décision de la conférence de l'Opep, la question devrait être soulevée lors d'une réunion extraordinaire pour la prise de décision", a écrit Bijan Zanganeh dans sa missive transmise au ministre de l'Energie des Emirats arabes unis, Suhail al-Mazrouei, qui occupe la présidence de l'Opep jusqu'à fin 2018. L'Iran déclare la guerre des prix L'Iran craint que l'engagement de juin dernier ne soit, tout compte fait, une concession faite aux grands producteurs dont l'offre est capable de compenser les pertes des autres membres. Dit autrement, l'Iran, qui fait face au retour dès novembre des sanctions américaines contre son pétrole, craint que son quota soit récupéré par l'Arabie saoudite au nom de la stabilisation du marché et de l'offre mondiale de pétrole. L'Iran dénonce une guerre menée à son encontre et décide de riposter, convaincu que les appels adressés à l'Opep seront sans effet. Dans une tentative d'affaiblir le pétrole de son rival saoudien, l'Iran a décidé de déclencher une guerre des prix. Sa compagnie pétrolière a carrément cassé les prix officiels de son brut pour les ventes de septembre en Asie. Le pétrole léger pompé par le troisième plus grand producteur de l'Opep sera vendu à son niveau le plus bas depuis 14 ans par rapport à une variété similaire produite par l'Arabie saoudite. La contre-attaque des Iraniens vise à affaiblir les ventes de l'Arabie saoudite sur le marché asiatique. Le royaume wahhabite aurait offert des volumes supplémentaires à certains acheteurs en Asie, en plus de ses fournitures contractuelles. L'Iran y voyait un procédé inscrit sur le compte de l'engagement conclu en juin dernier à Vienne, donnant le feu vert aux grands producteurs à l'image de l'Arabie saoudite de combler tout déficit d'approvisionnement potentiel sur le marché. L'Iran a produit 3,75 millions de barils par jour en juillet dernier, contre 3,79 millions en juin. La réaction de l'Iran renseigne, bon gré mal gré, d'une vive tension au sein de l'Opep. La réunion d'Alger s'annonce pour le moins tendue. Quant au marché, il fait face à d'importantes incertitudes ; les cours, de plus en plus volatiles, risquent de subir de plein fouet les conséquences de la guerre des prix menée par l'Iran contre son rival saoudien. Ali Titouche