Ils étaient des milliers de manifestants à braver la chaleur suffocante, la soif et la faim pour prendre part à la manifestation de ce 15e vendredi qui a été également une occasion pour la population de crier sa colère et son indignation après la mort, en détention, de Kamal-Eddine Fekhar. À 12h30, une imposante foule s'était déjà formée, sous un soleil de plomb, devant l'entrée de l'université Mouloud-Mammeri, lieu de départ de toutes les marches. Des dizaines de banderoles, de pancartes et de portraits de Kamal-Eddine Fekhar et de Matoub Lounès étaient déployés, en attendant le départ de la marche. Une demi-heure plus tard, celle-ci s'ébranle sous les cris "Ya li laâr, ya li laâr, eddoula ketlet Fekhar" (Quelle honte, quelle honte, l'Etat a tué Fekhar). "Hommage à Kamel-Eddine Fekhar, martyr de la dignité et de la démocratie. Le peuple et sa révolution ne pardonneront pas et condamnent les responsables", lit-on sur une large banderole déployée en première ligne d'un des carrés formant la manifestation. "D'Abane à Fekhar, combien de crimes orchestrés ?", "La justice ne peut être juste que si elle est indépendante", "Encore une commission-étouffoir ?", "Vérité et justice pour Kamal-Eddine Fekhar", lit-on sur d'autres banderoles. Pendant que ces carrés arpentaient la montée de l'université, d'autres s'étaient déjà constitués devant l'entrée du stade du 1er-novembre et sur tout le tronçon longeant le CHU Nedir-Mohamed. Des carrés où les manifestants alternaient entre les slogans accusant le pouvoir d'être responsable de la mort de Fekhar et les slogans exprimant le rejet des élections et du dialogue et exigeant le départ du système. "La hiwar, la chiwar, Gaïd Salah dégage", "Makanche el hiwar maâ el îssaba", "Gaïd Salah, Bensalah, Bedoui, dégagez", "Dawla madania, matchi aâskaria", scandait-on dans les différents carrés de la marche où l'on pouvait reconnaître des avocats, des médecins, des syndicalistes, des militants politiques et associatifs parmi les dizaines de milliers d'anonymes. Au centre-ville, le décor habituel est planté. Une véritable marée humaine a écumé l'artère principale et avançait vers la deuxième trémie. De nouvelles pancartes et banderoles font leur apparition. "La revendication du peuple est claire : votre départ et la remise du pouvoir au peuple", "Arrêtez de conduire l'Algérie vers une destination inconnue", "Pour une nouvelle république garantissant la justice sociale et l'égalité des chances", lit-on sur certaines d'entre elles. À 15h, le centre-ville devient subitement silencieux. Une minute de silence à la mémoire de Fekhar est observée. Le silence a été rompu par les cris de "Pouvoir assassin". Samir LESLOUS