21 Juin 2019 TSA C'est un peuple plus uni et plus déterminé que jamais qui a marché ce vendredi 21 juin dans la plupart des grandes villes du pays. Pour le 18e vendredi consécutif, les Algériens ont exprimé, de façon toujours aussi pacifique, joyeuse et massive leur volonté d'aller vers une véritable démocratie, vers plus de justice. Cette nouvelle journée de mobilisation nationale s'est toutefois distinguée des précédentes par l'ardeur qu'y ont mis les Algériens, dans tous les recoins du pays, à affirmer leur unité, leur cohésion et leur rejet de toute division, haine ou régionalisme. « Nous sommes unis, pas de divisions entre Algériens », « Kabyles et arabes (ou arabophones) sont frères, pas de discorde entre nous », « Les Algériens khawa khawa! (frères) » ont été les mots d'ordre, repris, à l'unanimité à travers tout le territoire national lors des marches de cette journée que beaucoup ont baptisé « vendredi de l'unité nationale » et « vendredi de la fraternité ». Cette mobilisation intervient après le discours prononcé mercredi par le chef de l'état-major de l'ANP Ahmed Gaid Salah et dans lequel il a affirmé qu'une « faible minorité » tente « d'infiltrer » les marches en brandissant « des drapeaux autres que l'emblème national ». « Des ordres et instructions fermes ont été donnés aux forces de sécurité afin de faire respecter strictement les lois en vigueur et de faire face aux individus qui essayent d'attenter à nouveau aux sentiments des Algériens », a indiqué le chef de l'armée, faisant une allusion claire aux très nombreux citoyens qui brandissent des drapeaux amazighs, aux côtés des drapeaux algériens, lors des manifestations. Ces « ordres » ont bien été reçus par les forces de l'ordre. Les gendarmes, déployés, comme chaque semaine, sur les axes routiers menant vers la capitale ont strictement filtré les accès à la capitale en fouillant véhicules et voyageurs et en confisquant les drapeaux amazighs des manifestants qui tentaient de se rendre à Alger. Les policiers déployés à Alger ont, quant à eux, mené de très nombreuses fouilles, notamment sur des sacs à dos et même des sacs à mains de femmes et de jeunes filles au cœur d'Alger, provoquant l'indignation des concernés et des autres manifestants. Des drapeaux amazighs ont été confisqués en grands nombres dès la matinée et des militants et manifestants ont été interpellés. Ces fouilles et interpellations ont provoqué plusieurs échauffourées à Alger où les policiers ont usé de leurs matraques et de gaz lacrymogènes notamment près de la place de la Grande poste. À Tipaza également, les policiers étaient à l'affût du moindre drapeau amazigh, au moins un a été confisqué à un manifestant, selon des témoins. Ces échauffourées se sont vite calmés. Dès le milieu de la journée, alors que le nombre de manifestants arrivant à Alger-centre ne cessait d'augmenter, les drapeaux amazighs se sont faits plus nombreux et plus visibles. À midi, des citoyens ont même empêché un groupe de policiers de confisquer un drapeau amazigh à un manifestant. Dès 14 heures, alors que les manifestations étaient à leur comble partout dans le pays, les tentatives de confiscation des drapeaux de la part des policiers ont cessé, laissant les manifestations se dérouler dans plus de sérénité. Face au nombre impressionnant et à la cohésion des manifestants, toute répression était devenue impossible. C'est alors que les slogans revendiquant l'union sacrée du peuple algérien dans toute sa diversité linguistique et régionale ont retenti partout où il y avait des manifestations. À Alger, Oran, Mostaganem, Constantine, Sétif, Batna, Béjaia, Tizi-Ouzou, Bouira, Bordj Bou Arréridj, Tipaza, Annaba, El Bayadh et dans de nombreuses autres villes, comme Djelfa, les mêmes slogans ont retenti dans les airs. « Cessez la fitna (discorde), les Kabyles et les Arabes sont frères ! », « Les Algériens sont tous frères ! », « Makach djihawiya, les Algériens khawa khawa », « Twahedna ou bassitou bina! » (nous sommes unis et vous êtes dans le pétrin). « Tous les amazighs sont nos frères », ont dit haut et fort des millions d'Algériens lors de ce 18e vendredi dont le niveau de mobilisation a été semblable à celui des 8 et 15 mars, les « plus gros vendredis », depuis le 22 février. À Alger, les habitants de la Casbah et de Bab El Oued ont, au moment où ils remontaient vers Alger-centre, scandé « Casbah et Bab El Oued Imazighen ! ». Une revendication de l'amazighité reprise ailleurs et pas seulement par des amazighophones mais également par des arabophones à Alger ou ailleurs. De nombreux manifestants brandissant ou transportant simplement le drapeau amazigh ont été interpellés tout au long de la journée à Alger, « une cinquantaine » qui ont été « relâchés », selon l'APS qui cite une source sécuritaire. « Il s'agit d'individus ayant brandi des emblèmes autres que le drapeau national et ceux déjà connus par les services de sécurité et qui perturbaient auparavant la quiétude des marches », précise l'agence officielle citant une « source sécuritaire ». Une version contredite par le député RCD Atmane Mazouz qui signale, sur sa page Facebook officielle que « des gardes à vue en attendant des présentations au procureur sont décidées à l'instant à l'encontre des dernières personnes interpellées encore en détention dans les commissariats pour le simple fait d'avoir arboré l'emblème de l'Amazighité ». Malgré ces arrestations et échauffourées avec les forces de l'ordre, au terme de cette 18e démonstration de force, d'unité et de cohésion des Algériens à travers tout le pays, la satisfaction régnait dans les rues des villes du pays et sur les réseaux sociaux.