Défiant le dispositif de sécurité mis en place devant le tribunal, des citoyens ont brandi l'étendard amazigh et le drapeau national. Hier, devant le tribunal de Sidi-M'hamed, à Alger, il n'y avait certes pas la foule des grands vendredis, mais plusieurs dizaines de militants des droits de l'Homme, connus ou anonymes, ont, toutefois, fortement exprimé leur solidarité avec les seize manifestants, placés la veille sous mandat de dépôt. Des animateurs du RAJ (Rassemblement Actions Jeunesse) étaient en force à l'événement. Pour avoir porté la bannière amazighe pendant la marche du vendredi 21 juin, à Alger notamment, ils sont poursuivis, par le tribunal correctionnel, d'atteinte à l'unité nationale. Rassemblés devant l'entrée du tribunal, les citoyens se sont retranchés, vers 11h30, sur le trottoir d'en face, et aussitôt encadrés par des casques bleus et des policiers en civil. Pendant près de deux heures, ils ont scandé inlassablement : "Libérez les innocents" ; "Portez l'emblème amazigh n'est pas un crime" ; "L'identité amazighe est protégée par la Constitution" ; "Nous voulons un Etat civil, pas un Etat policier" ; "Libérez la justice"… Des passants ont rejoint le rassemblement, rendant la mobilisation relativement plus forte. Défiant le dispositif de sécurité, des citoyens ont brandi l'étendard amazigh et le drapeau national. L'hymne national Qassaman a été entonné alors en chœur. Instantanément, des fourgons cellulaires se sont positionnés devant le carré des protestataires. Des policiers en uniforme l'ont contourné pour arrêter les auteurs de ce qui est considéré, depuis le dernier discours controversé du chef de l'anp, comme un délit. Un homme âgé s'est interposé entre eux et les manifestants. "Honte à vous ! Des gens ont sacrifié leur vie pour l'emblème national et la préservation de notre identité. Zabana est mort à 17 ans pour que vous puissiez porter cette tenue !" Quelque peu désarçonnés par l'incursion du vieillard, les éléments de la Sûreté nationale se sont heurtés, ensuite, à un cordon de manifestants qui criaient "Silmiya, silmiya" en agitant les mains en l'air. Des militants ont été sauvés d'une arrestation. "Je suis abasourdie. En 2019, après les beaux vendredis que nous avons vécus, des gens, qui sont sortis dans la rue pour changer le système, se retrouvent en prison avec ceux qui ont pillé le pays. Soyez raisonnables, et libérez les détenus", a plaidé la chanteuse Amel Zen. Pour Ramdane Taâzibt, le chef de l'institution militaire "cherche à créer la contradiction et la division là où elles n'existent pas (…) Ce qui s'est passé ce dernier vendredi est très grave. C'est une atteinte à la liberté de manifester et de s'exprimer avec l'un des éléments de l'identité nationale, reconnue dans la loi fondamentale". Il a cité la constitutionnalisation de tamazight langue nationale en 2002, puis langue officielle en 2008, et l'institution de Yennayer fête nationale en 2018.