Le pouvoir de fait, qui se retrouve désormais dans un vide constitutionnel, va-t-il concéder à la mise en place d'une instance de médiation ou d'un présidium, comme le réclame l'opposition ? Malgré la "fetwa", selon le bon mot de l'opposition, du Conseil constitutionnel, le mandat du chef de l'Etat intérimaire, Abdelkader Bensalah, expire officiellement aujourd'hui. En vertu de l'article 102 de la Constitution, Abdelkader Bensalah devait, en effet, assumer l'intérim pendant une durée de 90 jours au maximum au cours de laquelle il devait organiser une élection présidentielle. Mais faute de candidats, une première dans les annales de l'élection algérienne, un cas de figure non prévu également dans la loi fondamentale, le Conseil constitutionnel, dans un effort de jurisprudence, a trouvé la parade juridique pour considérer que la mission du chef de l'Etat intérimaire était "l'organisation de l'élection présidentielle", au motif de la "préservation des institutions constitutionnelles". Non seulement l'artifice juridique était assimilé par beaucoup à un "coup de force", mais le maintien d'Abdelkader Bensalah, dont l'image est liée au régime du président déchu Abdelaziz Bouteflika, se décline comme une défiance à la plupart des Algériens qui réclament son départ depuis maintenant plus de quatre mois. À compter d'aujourd'hui donc, Abdelkader Bensalah se retrouve doublement handicapé, si l'on excepte l'absence de charisme et de légitimité : une aléatoire légalité constitutionnelle et un rejet unanime des Algériens. Devant ce surcroît de fragilité, on se demande dès lors à quelle parade devrait recourir le "pouvoir de fait", qu'incarne désormais le chef d'état-major de corps d'armée, Ahmed Gaïd Salah, pour faire aboutir sa "feuille de route". Après avoir lamentablement échoué dans l'organisation de la conférence de dialogue en avril dernier, rencontre à laquelle lui-même n'a pas assisté, Abdelkader Bensalah a de nouveau présenté mercredi dernier une offre politique, laquelle prend déjà les allures d'un prêche dans le désert. Rejetée par les Algériens hostiles au dialogue avec la "îssaba" et par l'opposition regroupée au sein de l'Alternative démocratique pour la raison évidente d'absence d'un environnement politique approprié, marqué jusque-là par des entraves aux libertés et une chape de plomb imposée aux médias, cette nouvelle proposition n'a pas suscité la caution attendue des parties réunies dans le cadre du Forum national pour le dialogue. Un nouveau coup dur, s'il en est, dans la mesure où cette initiative est perçue par certains comme une perche tendue au pouvoir de fait pour s'extirper de la crise dans laquelle il s'est englué. À bien des égards, la situation est similaire à celle qui a suivi l'arrêt du processus électoral en 1992 et qui avait contraint les décideurs de l'époque, face au vide constitutionnel, à désigner un haut comité d'Etat, puis un conseil national de transition dont les missions se concluront par l'élection d'un président en 1995 et l'organisation de nouvelles législatives en 1997. Le pouvoir de fait, qui se retrouve désormais dans un vide constitutionnel, va-t-il concéder à la mise en place d'une instance de médiation ou d'un présidium, comme le réclame l'opposition ? Encore faut-il qu'il donne des gages et des signaux forts de sa volonté à dialoguer sincèrement en décidant des mesures d'apaisement et en sacrifiant Bensalah et Bedoui, comme le demande la rue. Ou va-t-il s'entêter encore dans les louvoiements susceptibles de réunir les ingrédients d'une désobéissance civile et d'un climat qui pourrait conduire à l'état d'urgence ? En refusant la solution politique qui s'impose désormais, le pouvoir, assurément, se retrouve dans une impasse totale. Un saut dans l'inconnu pour le pays.