Comme attendu, le Conseil constitutionnel a fini par admettre l'impossibilité de la tenue de l'élection présidentielle, initialement prévue pour le 4 juillet prochain. Non pas parce que le contexte politique, marqué par la poursuite de la mobilisation hostile à la tenue d'un scrutin sous l'empire des figures du régime de Bouteflika, ne s'y prête pas, mais faute de candidats. Mais plutôt que de reconnaître un vide constitutionnel, le Conseil constitutionnel s'est livré à une "alchimie" juridique pour conférer à l'impopulaire chef de l'Etat par intérim, Abdelkader Bensalah, le pouvoir de convoquer de nouveau le corps électoral à un autre scrutin dont la date devrait être annoncée sous peu. "Il revient désormais au chef de l'Etat de convoquer de nouveau le corps électoral et de parachever le processus électoral jusqu'à l'élection du président de la République et la prestation du serment électoral", a indiqué le Conseil constitutionnel. En plus de prolonger le mandat du chef de l'Etat, doublement disqualifié, autant par la rue que par la loi, le Conseil constitutionnel se conforme ainsi à la "feuille de route" souhaitée et défendue avec acharnement par le régime : organiser l'élection présidentielle dans les plus brefs délais pour éviter d'aller à une période de transition réclamée par l'écrasante majorité de l'opposition. Qu'importe si le pays se retrouve dans les prochaines semaines plongé dans une grave crise politique. En face, le mouvement populaire ne semble pas disposé à lâcher la proie pour l'ombre. Illustration de cette résolution : alors que beaucoup ont parié sur son essoufflement durant le mois de Ramadhan, le mouvement populaire, à travers les marches du vendredi et celle des étudiants les mardis, a plutôt fait preuve d'une grande détermination à faire aboutir ses revendications. À l'unisson, les manifestants scandent sans répit ces slogans : "Pour une période de transition" ; "Tous doivent partir", allusion à toutes les figures ayant appartenu au régime de Bouteflika. Vue sous cet angle, la question est de savoir jusqu'où ira ce bras de fer, surtout que le dialogue auquel a appelé Gaïd Salah prend, au fil des jours, les allures d'une arlésienne : tout le monde en parle, mais personne ne voit la moindre amorce. Le régime va-t-il enfin concéder à admettre que la transition, comme le lui rappellent de nombreuses personnalités, est inéluctable ? Ou va-t-il persister dans son entêtement avec les risques que cela peut engendrer sur divers plans ? "Le système (…) a pris le choix de prolonger la crise et d'ajourner la solution, au lieu d'aller vers une transition politique négociée avec le peuple pour l'avènement de la nouvelle République", souligne Saïd Salhi, vice-président de la Laddh, tandis que Hakim Belahcel, premier secrétaire du FFS, observe que "cette énième parade désespérée ne fera que renforcer notre engagement et celui du peuple algérien à entretenir cette formidable révolution afin d'imposer la véritable issue à ce marasme politique qui passera inévitablement par l'amorce d'une transition démocratique". C'est dire que la méfiance est toujours de mise, ce qui traduit l'incertitude qui entoure l'esquisse d'une issue à la crise dans l'immédiat.