L'ancienne capitale des Hammadites a de nouveau vibré, hier, au rythme de la 22e manifestation populaire. En effet, plusieurs dizaines de milliers de citoyennes et de citoyens, venus des quatre coins de la wilaya, ont battu le pavé, hier en début d'après-midi, à travers les artères principales de la ville de Béjaïa, bravant ainsi la chaleur torride qui sévit ces jours-ci dans cette région. Munis de l'emblème national et du drapeau amazigh, les manifestants se sont donné rendez-vous, comme d'habitude, sur l'esplanade de la maison de la culture Taos-Amrouche. Vers 13h30, les premiers carrés des manifestants se sont déjà formés à hauteur de la trémie sise au rond-point d'Aamriw. Au-devant de la foule, de jeunes animateurs du mouvement populaire, montés à bord d'une camionnette, donnent le coup de starter de la manifestation, en lançant à l'aide de mégaphones : "Ulac, ulac, ulac smah ulac", "Pouvoir assassin" et "Mazalagh d Imazighen"… Reprenant en chœur ces mots d'ordre habituels, les manifestants entament leur marche sous une chaleur caniculaire. La procession voit ses rangs grossir au fur et à mesure que la marche avance vers l'ancienne ville. Tout au long de leur itinéraire, les Béjaouis ont réitéré, hier, leur engagement à rester mobilisés et à poursuivre leur combat pacifique jusqu'à la chute du régime. En témoignent les slogans mis en avant par les manifestants qui réclament "un changement radical du système et non un replâtrage", comme on l'a bien noté sur une banderole. "Notre objectif est d'aller vers une période de transition démocratique sans vos figures !", lit-on sur une pancarte brandie par un septuagénaire au milieu de la foule. "Gaïd Salah, tu es la honte de l'institution militaire", écrit, pour sa part, un jeune manifestant sur sa pancarte. Jouant sur les mots, un autre citoyen ironise : "N'rabhoukoum gaâ !" (On va vous battre tous !), en faisant allusion au match de la finale de la Coupe d'Afrique des nations qui allait se dérouler le soir en Egypte. "Y en a marre des généraux", "Pouvoir assassin", "La hiwar, la chiwar, errahil obligatoire" (Ni dialogue, ni consultation, le départ du système est obligatoire), "Dawla madania, matchi âaskaria" (Pour un Etat civil et non militaire), "Djoumhouria matchi caserna" (Nous sommes dans une République et non dans une caserne), "Khawa khawa, El Gaïd mâa el-khawana", "Gaïd Salah dégage !"… sont autant de slogans scandés par les marcheurs qui ont, par ailleurs, exigé du pouvoir en place "la libération immédiate et inconditionnelle de l'ensemble des détenus politiques et d'opinion". Les portraits de certains militants incarcérés, notamment ceux du moudjahid Lakhdar Bouregâa et des porteurs du drapeau amazigh, ont été d'ailleurs arborés par des manifestants. Rencontré vers la fin de la manifestation d'hier, le militant politique Djamel Zenati nous a déclaré que "tant que ce mouvement populaire porté par les jeunes est toujours debout, l'espoir est permis". L'ancien détenu du Mouvement culturel berbère (MCB) d'Avril 1980 se dit persuadé que "l'extraordinaire mobilisation pacifique des Algériens en faveur d'un changement de régime politique est loin de s'essouffler. Bien au contraire, elle va reprendre de plus belle dès la prochaine rentrée sociale".