Le général de corps d'armée a sûrement donné le coup de grâce au panel de dialogue et de médiation qui avait déjà peu de chances de réussir sa mission. Dans quelques heures ou quelques jours au plus tard, le panel de dialogue et de médiation, présidé par l'ancien président de l'Assemblée nationale, serait un fait du passé. Le chef de l'institution militaire, Ahmed Gaïd Salah, lui a enlevé, avant-hier, sa dernière chance d'exister, en refusant catégoriquement de se plier au moindre préalable au dialogue. Les discussions doivent être focalisées exclusivement, a-t-il presque ordonné, sur les mécanismes techniques de l'organisation d'une élection présidentielle, sans les assujettir à des exigences, fussent-elles pour apaiser un peuple en colère. Karim Younès et ses compagnons avaient pris, pourtant, le soin de ne requérir la libération que des manifestants placés sous mandat de dépôt à cause du port de l'emblème amazigh, sans élargir la revendication à la secrétaire générale du Parti des travailleurs Louisa Hanoune, au général à la retraite Hocine Benhadid, au candidat au scrutin présidentiel du 18 avril avorté Ali Ghediri et au moudjahid Lakhdar Bouregâa. La distinction marquée entre prisonniers du hirak et détenus politiques devait ménager la chèvre et le chou. En termes clairs, séduire la rue sans fâcher le régime. Si le chef de l'Etat par intérim, Abdelkader Bensalah, a concédé, à demi-mot, au panel cette concession, le chef d'état-major de l'ANP lui a enlevé un argument massue de promotion de son approche du dialogue comme il lui a grillé la carte d'assouplissement du dispositif sécuritaire dans la capitale, les jours des grandes manifestations. Karim Younès refuse de céder à la fatalité, au motif que le chef de l'Etat a donné des assurances quant à la satisfaction des principales conditions posées. Pourtant sa mission relève désormais de l'impossible. À vrai dire, elle était déjà fortement compromise avant que le vice-ministre de la Défense nationale ne mette son veto aux préalables. Dès l'annonce de sa constitution jeudi dernier à l'issue d'une audience avec Abdelkader Bensalah au palais d'El-Mouradia, la crédibilité du panel a été entachée par la présence d'un membre connu pour ses accointances avec le régime de Bouteflika et surtout les témoignages dénonciateurs de personnalités ayant été écartées de la démarche sans préavis et les critiques de l'opposition politique. Le lendemain, des centaines de milliers de manifestants ont exprimé leur refus de cautionner toute initiative de dialogue avec le pouvoir en place. Il ne fallait pas espérer, dès lors, un avenir pour le groupe de l'ancien président de la première Chambre du Parlement. L'homme n'a pas baissé pour autant les bras et a proposé une liste de 23 personnes réputées ou peu connues, invitées à participer au dialogue. Le camouflet est quasi instantané. Les personnalités conviées déclinent en cascade l'offre, soulignant qu'il ne saurait y avoir de dialogue dans un cadre restrictif mis en place par le régime et sans le consentement du peuple. Le dernier coup dur est venu du retrait de l'économiste Smaïl Lalmas, qui a certainement compris que c'était une erreur d'associer son nom et sa réputation à une démarche biaisée.