Les Algériens rappellent une évidence : leur patience est à bout, et si le caractère purement pacifique qui a marqué le mouvement populaire, jusque-là, n'est pas remis en cause, des actions radicales ne sont pas à exclure. Après vingt-quatre semaines de mobilisation sans faille, le mouvement populaire du 22 février dernier passe à une autre étape. De nouveaux slogans sont nés. L'appel à la désobéissance civile fait désormais partie des slogans des marches populaires. Réponse du berger à la bergère. Trois jours après le discours musclé d'Ahmed Gaïd Salah, les Algériens ont répondu à leur manière. Face au refus obstiné du pouvoir, les Algériens rappellent une évidence : leur patience est à bout, et si le caractère purement pacifique qui a marqué le mouvement populaire, jusque-là, n'est pas remis en cause, des actions radicales ne sont pas à exclure. À commencer par des actions moins coûteuses politiquement, comme celle d'entamer des grèves sectorielles ou une grève générale. Cela a déjà été expérimenté au début du mouvement. En mars dernier, des grèves ont été décidées. Mais hormis dans des wilayas de la Kabylie, seule une journée sur trois a été observée partout, y compris dans la capitale. Mais cela ne semble pas avoir poussé les autorités à répondre favorablement aux revendications du mouvement populaire. Malgré la persistance des Algériens à vouloir "dégager le système", le pouvoir ne veut rien lâcher. En dehors du départ d'Abdelaziz Bouteflika, des procès contre une partie de la "bande" et l'annulation de l'élection présidentielle prévue pour avril et juillet derniers, les autres revendications font face à un vrai mur de refus. L'armée, qui se cache derrière une devanture civile qui vient d'être d'ailleurs désavouée par Ahmed Gaïd Salah, ne veut rien céder. Ni sur les préalables qui s'articulent autour du respect des libertés ni sur le départ des "symboles du système" qui est pourtant une revendication populaire, les horizons semblent plus que jamais bouchés. Les manifestations hebdomadaires, qui mobilisent toujours des dizaines de milliers d'Algériens malgré un recul dû à des facteurs objectifs comme la fermeture des accès à la capitale, semblent désormais insuffisantes. Si la nécessité d'aller vers de nouvelles formes de lutte est désormais partagée par tout le monde au sein du mouvement populaire et de la classe politique, l'option de la désobéissance civile ne fait pas l'unanimité. Beaucoup y voient une "manœuvre du pouvoir" en vue de diviser le mouvement. C'est le cas de l'universitaire Lahouari Addi qui estime, dans une publication, que "les tenants de la ligne dure à l'état-major (de l'armée, ndlr) n'attendent que l'occasion pour intervenir avec brutalité sous le prétexte de rétablir l'autorité de l'Etat". Pour lui, la désobéissance civile "pourrait entraîner la paralysie des services de l'Etat", une situation qui pénaliserait la population. D'autres acteurs rejettent cette éventualité parce que cela rappelle un triste épisode : en juin 1991, le FIS dissous décrète "une désobéissance civile". En réalité, le parti islamiste s'était contenté d'une grève générale doublée d'une occupation de l'espace public. L'acte avait poussé les autorités à utiliser la force pour déloger les militants islamistes. Dans le sillage du démantèlement du sit-in, les services de sécurité arrêtent les dirigeants du FIS. C'est le début de la fin du parti intégriste. Limitée à seulement quelques wilayas lors de ce 24e vendredi de mobilisation, l'idée de recourir à la désobéissance civile n'est pour l'instant qu'un slogan dont les contours ne sont pas encore précisés. C'est surtout un avertissement lancé au pouvoir pour rappeler que face à l'entêtement des dirigeants actuels, le peuple oppose sa détermination.