Ceux qui avaient prédit l'essoufflement du mouvement populaire durant le mois d'août se sont lourdement trompés. En effet, hier, pour le 25e vendredi consécutif, des milliers de citoyens de la wilaya de Bouira ont bravé des températures caniculaires (46°C) pour dénoncer les tentatives du pouvoir de se maintenir contre la volonté populaire. La marche d'hier était l'occasion idoine de répondre au dernier discours du chef d'état-major, Ahmed Gaïd Salah, et dans lequel il a déclaré en substance que "les objectifs du hirak ont été atteints". Pour les milliers de citoyens ayant battu le pavé hier, la sortie médiatique d'Ahmed Gaïd Salah va à l'encontre des aspirations du peuple. "Rien n'est terminé et les principaux objectifs de notre révolution n'ont pas encore été réalisés", insistent la plupart des manifestants rencontrés. Pour ces derniers, vu que le gouvernement Bedoui ainsi que le chef de l'Etat par intérim sont toujours en place, rien n'est encore acquis. "Ce gouvernement illégitime doit partir ainsi que le président que personne n'a élu. À ce moment-là, on pourra dire que notre révolution a atteint 80% de ses objectifs", martèlera Youcef Outafat, coordinateur du Cnes de Bouira. Pour les marcheurs qui ont battu le pavé hier, la "solution" préconisée par Gaïd Salah ne correspond pas à la volonté populaire ni à l'esprit de sa révolte enclenchée le 16 février à Kherrata, puis le 22 du même mois à travers tout le pays. "Nous voulons une véritable transition démocratique avec des visages nouveaux, un modèle de société et une nouvelle république bâtie sur des bases solides et non un changement de façade", dira un manifestant de Haïzer, une localité qui vit depuis une semaine au rythme des grèves générales et autres manifestations pour réclamer la libération des détenus incarcérés à la prison d'El-Harrach pour avoir brandi l'emblème identitaire de Tamazgha. En outre, les manifestants ont, pour la énième fois, rejeté le dialogue avec "les résidus de la bande". En effet, les membres du panel et son coordinateur, Karim Younès, ont été littéralement qualifiés de "traîtres" à la cause par les contestataires, qui refusent encore et toujours tout dialogue avec "la bande et ses résidus". "Ces personnes ne représentent qu'eux-mêmes et n'ont nullement le droit de parler au nom du peuple et encore moins dialoguer en son nom", tranchera un manifestant qui tenait une pancarte où était inscrit "Non au dialogue avec la bande". Tout au long de leur procession qui les a conduits au siège de la wilaya, les manifestants ont, bien évidemment, scandé des slogans hostiles au pouvoir en place. "Bedoui dégage", "FLN, dégage !", "Le peuple veut la chute du régime" ou encore le traditionnel "Pouvoir assassin". À noter que les rangs de la marche n'ont cessé de grossir au fur et à mesure que la foule avançait.