La multiplication des appels à la désobéissance civile a été l'un des faits marquants, hier, lors du 26e acte des marches contre le système à Bouira. Les milliers de citoyens qui ont participé à la grandiose marche d'hier ont scandé des slogans appelant à la désobéissance civile, dans le but, selon eux, de contraindre le système et tous ceux qui l'incarnent à "plier bagage". "Rahou djay, rahou djay el-îssyan el-madani" (la désobéissance civile arrive), ou encore "La hiwar la chiwar, el-îssyan houwa el-hel" (ni dialogue ni concertation, la désobéissance civile est la solution) ont été scandés à tue-tête par les manifestants. Pour certains d'entre eux, le système et ses "résidus" veulent à tout prix se maintenir. "Après six mois de marche, de manifestations et de grèves, le pouvoir en place semble sourd à nos revendications (…) Pour moi, seule la désobéissance civile peut forcer les tenants du pouvoir à le rendre au peuple", indique Mokrani Hichem, syndicaliste au sein du Snapap local. Selon lui, la prochaine rentrée sociale sera "un virage marquant" de la révolution populaire enclenchée le 22 février dernier. "Jusqu'à ce 26e vendredi, le peuple a fait preuve d'un calme olympien face aux provocations du système (…) Néanmoins, je considère qu'une escalade pacifique consistant en la désobéissance civile pourra débloquer la situation", a-t-il estimé. Cependant, l'idée de paralyser le pays et ses institutions, à travers une grève générale et des actions de désobéissance civile, ne semble pas encore fédérer la plupart des acteurs du mouvement populaire à Bouira. Certains manifestants se sont montrés prudents, voire méfiants, vis-à-vis de cette nouvelle approche de la révolution. "C'est une idée sournoise distillée par les officines du pouvoir et visant à diviser le hirak et donner l'occasion au système de justifier une éventuelle répression de masse", estimera Akkouche Tahar, ancien membre de la Coordination nationale des enfants de chouhada (Cnec) à l'échelle de Bouira. Pour lui, les marches pacifiques doivent continuer et, avec la rentrée sociale, d'autres journées de grandes manifestations doivent être organisées. "Pourquoi pas les mardis et vendredis de chaque semaine afin de mettre davantage la pression sur les décideurs ?", a-t-il préconisé. Même son de cloche du côté de Yahia Semmache, coordinateur du mouvement associatif de la commune d'Ath Laqser, qui considère que l'idée de la désobéissance civile est "une arme à double tranchant". "C'est risqué d'aller vers cette option dans la mesure où elle divise encore le peuple. Elle doit être mûrement réfléchie." La manifestation d'hier, qui s'est déroulée sous une température relativement clémente, a rassemblé plusieurs dizaines de milliers de marcheurs qui ont unanimement condamné la "trahison" des désormais quatre membres du panel. Son coordinateur, Karim Younès, a été copieusement fustigé par les marcheurs. Le slogan "Dawla madania, machi âaskariya" (Un Etat civil et non militaire) a été scandé à tue-tête par les marcheurs. Vers 13h30, l'esplanade de la maison de la culture Ali-Zamoum, rebaptisée "place de la Révolution", a été prise d'assaut peu après la prière du vendredi par des milliers de citoyens venus des quatre coins de la wilaya. À 14h, le boulevard Zighoud-Youcef, qui traverse la ville de Bouira d'Est en Ouest, était noir de monde. RAMDANE BOURAHLA