Le vendredi est devenu une immense tribune où le peuple répond aux manœuvres du pouvoir. Des mises en garde et des "mises au point" hebdomadaires où citoyennes et citoyens s'expriment sur les faits d'actualité de toute la semaine. Hier à Bouira, et pour le 27e vendredi consécutif, ils étaient des milliers de manifestants à dénoncer la médiation menée par le panel de Karim Younès, une entreprise jugée comme une trahison à la cause défendue depuis six mois par les contestataires, qui refusent encore et toujours tout dialogue avec "la bande et ses résidus". "Ces personnes ne représentent qu'elles-mêmes et n'ont nullement le droit de parler au nom du peuple et encore moins dialoguer en son nom", tranchera un manifestant qui tenait une pancarte sur laquelle était écrit : "Non au dialogue avec le gang." En outre, la population locale réclame encore et toujours l'application effective des articles 7 et 8 de la loi fondamentale qui stipulent que tout pouvoir émane du peuple. "Après l'article 102 et son échec cuisant, on veut nous mener vers l'article 107 (état d'exception, ndlr). Nous, nous tenons à la satisfaction de nos revendications", dira un enseignant à l'université de Bouira. Pour les milliers de marcheurs qui ont battu le pavé hier, la "solution" préconisée par le pouvoir ne correspond pas à la volonté populaire ni à l'esprit de sa révolte enclenchée le 16 février à Kherrata, puis le 22 du même mois à travers tout le pays. "Nous voulons une véritable transition démocratique avec des visages nouveaux, un modèle de société et une nouvelle République bâtie sur des bases solides et non un changement de façade", dira un manifestant de Haïzer, une localité qui, depuis près de deux mois, vit au rythme des grèves générales et autres manifestations pour réclamer la libération des détenus incarcérés à la prison d'El-Harrach pour avoir brandi l'emblème identitaire de Tamazgha. La contestation d'hier, et malgré une chaleur écrasante, a rassemblé plusieurs dizaines de milliers de marcheurs. Le slogan "Dawla madania, machi âaskariya (un Etat civil et non militaire)", a été scandé à tue-tête par les marcheurs. 13h30. L'esplanade de la maison de la culture Ali-Zamoum a été prise d'assaut peu après la prière du vendredi par des milliers de citoyens venus des quatre coins de la wilaya. 14h. Le boulevard Zighoud-Youcef, qui traverse d'Est en Ouest le chef-lieu de la wilaya, était noir de monde. RAMDANE BOURAHLA