Un grand nombre de nouveaux bacheliers, affectés dans des filières qui ne les agréent pas, ont submergé hier le bureau de recours implanté à la faculté de Bouzaréah. Un handicapé affecté en… éducation physique et sportive, un matheux orienté en sciences islamiques… Autant d'aberrations qui jettent le discrédit sur le système de ventilation des nouveaux bacheliers. Cela devient un rituel. À chaque début d'inscriptions des nouveaux bacheliers, l'on assiste à des cortèges de mécontents, de désorientés qui font le pied de grue devant les centres d'inscription ou les bureaux de dépôt des recours pour tenter de se faire justice. Aussitôt la liesse de la réussite au bac consommée, la machine bureaucratique de l'enseignement supérieur se met en branle pour broyer la joie des nouveaux étudiants en arrachant, parfois, pour certains d'entre eux, des larmes pour avoir été incroyablement envoyés dans des filières sans commune affinité avec leur profil. On a beau mettre en place un logiciel pour assurer une orientation appropriée, méritée surtout, à nos bacheliers, les mains invisibles et assassines viennent souvent fausser le génie de l'informatique. En l'occurrence, on ne peut raisonnablement accuser la machine d'avoir envoyé ce bachelier handicapé vers une graduation en éducation physique et sportive ! On ne peut non plus reprocher au même logiciel d'avoir orienté un matheux vers les sciences… islamiques. Et des exemples de désorientations aussi farfelues qu'injustifiées sont signalés presque quotidiennement dans nos campus. Les nouveaux bacheliers découvrent stupéfaits les méandres de l'université via la pratique éhontée du népotisme et du “ben aâmisme” qui fait passer un bachelier tout juste moyen dans des filières aussi prestigieuses et rigoureuses que la médecine, la pharmacie ou encore l'interprétariat. Et oui, l'excellence chez nous n'ouvre pas droit automatiquement à une reconnaissance à travers une orientation juste et adaptée à l'élève. Un bachelier qui décroche son bac avec une moyenne médiocre aura certainement l'embarras du choix si son papa est logé au sommet de la République. De la même manière un jeune qui n'est pas “épaulé” risque d'échouer dans une filière de seconde zone quand bien même ses résultats sont homologués par le logiciel officiel. C'est comme cela que l'on constate régulièrement et chaque année des cas d'orientation abracadabrants et des aberrations qui défient la science, l'informatique voire simplement le bon sens. Pour faire plaisir à son rejeton, celui qui a le bras long peut à loisir le placer dans les sciences médicales avec une moyenne dérisoire, quitte à “fabriquer” un très mauvais médecin. Il y a aussi le revers de la médaille. Ils sont des centaines à avoir quitté les bancs de l'université pour avoir été frustrés dans leur choix de filières. Certains n'ont même pas bénéficié d'une orientation contenue dans la fiche de vœux. Sur onze choix, le bachelier est ainsi jugé inclassable ! Et pourtant, il a obtenu son bac… Bien sûr le commun des Algériens sait que l'orientation d'un bachelier “basique” c'est-à-dire sans “connaissance” aucune vers une branche prestigieuse dépend dans une large mesure du nombre de places réservé à ceux qui n'ont pas la qualification mais qui bénéficient des coups de pouce ! Et avec une telle façon de gérer les orientations en glorifiant l'échec et sanctionnant la performance, il ne faudrait pas s'étonner de ce que produit l'université algérienne. On aura des bataillons de mauvais médecins, des cortèges d'arracheurs de dents, mais surtout de très mauvais enseignants qui hypothéqueront le sort des générations entières.