La participation à la manifestation d'hier dans les rues d'Alger, par laquelle les étudiants ont réaffirmé leur rejet de la présidentielle, a été si forte que certains observateurs présents sur les lieux n'ont pas hésité à la comparer à celle des vendredis. Pas d'élection présidentielle avec Abdelkader Bensalah et Noureddine Bedoui à la tête de l'Etat. C'est là le message subliminal délivré par les étudiants ayant pris part à la marche populaire organisée hier à Alger. Contrairement aux manifestations de juillet et d'août, celle d'hier a drainé la grande foule, composée d'étudiants, certes, mais aussi et surtout d'autres citoyens, qui ont exprimé clairement leur opposition au projet de la présidentielle que les nouvelles autorités veulent organiser dans les plus brefs délais. "C'est impressionnant", s'est enthousiasmé un confrère qui, sur l'esplanade de la place Emir-Abdelkader, voit avancer la longue procession humaine. "On dirait une marche du vendredi", s'est réjoui, pour sa part, Abdelwahab Fersaoui, président du Rassemblement Actions Jeunesse. Il a particulièrement apprécié que les manifestants scandent : "Souveraineté populaire, période de transition". "Etat civil et non pas militaire", criaient les manifestants. Un jeune brandit une pancarte de fortune sur laquelle est écrit : "Nous voulons un Etat populaire et non pas militaire et oppresseur. Pas d'élections avec les bandes." Une jeune fille en hidjab et un jeune homme, deux étudiants de l'USTHB de Bab Ezzouar, portaient une grande pancarte sur laquelle on pouvait lire : "Nouvelle République : Etat de droit, justice indépendante". "Mouche électronique, mon père m'a conseillé de ne pas voter pour les bandes", chantaient tout leur saoul les étudiants, tout le long de la marche qui s'est arrêtée non loin de la Fac centrale. Si les principales figures du régime actuel et débris du système Bouteflika, Bensalah et Bedoui en l'occurrence, ont été pris à partie, c'est le chef d'état-major qui cristallise le plus la colère populaire. "Ecoute, Gaïd Salah, Etat civil et non militaire", "La justice par téléphone", "Assez de discours depuis les casernes". Ce sont là quelques slogans parmi d'autres tout aussi corsés qu'ont scandés les manifestants. "La justice par téléphone" et "la presse laudatrice" n'ont pas été épargnées. Une nouveauté : la colère citoyenne, qui ciblait jusqu'ici l'actuel patron de l'ANP, a atteint hier d'autres hauts gradés. C'est ainsi que des slogans ont été scandés à l'adresse des "généraux" auxquels les étudiants ont rappelé qu'ils veulent une "Algérie indépendante". Nous avons remarqué que les manifestants, dès qu'ils s'approchaient des policiers placés tout le long de l'itinéraire de la marche, entonnaient : "Ya li laâr, ya li laâr, el-assima taht el-hissar" (Quelle honte ! La capitale est sous un blocus), ou "Vous, vous les protégez et nous, nous les ferons déguerpir". Hier, les slogans des premières semaines de la révolution comme "Partez, partez", "Yetnehaw gaâ" ou encore "C'est notre pays, nous allons imposer notre volonté" ont été remis au goût du jour à l'occasion de ce 29e mardi de la colère estudiantine. À signaler que les détenus du hirak n'ont pas été oubliés par les manifestants, qui ont exigé leur libération immédiate."Libérez les détenus", réclamaient les uns. "Libérez les otages", demandaient d'autres. Un hommage particulier a été rendu à l'étudiant Idir Guerroudj, arrêté le 29 juin. Des étudiants ont déployé une grande banderole portant une photo de ce détenu sur laquelle on pouvait lire : "Nous appelons à la libération immédiate de Samir Idir Guerroudj et de toutes les personnes arrêtées."