Autant que la collecte des signatures, la campagne qu'ils devront mener pour convaincre les citoyens s'annonce laborieuse. Ils sont déjà quatre-vingts postulants à la candidature et la liste risque de s'allonger, mais deux candidatures émergent, pour l'heure, au regard de leur parcours politique au sein de l'establishment et les postes de responsabilité qu'ils ont eu à occuper dans la hiérarchie du pouvoir : l'ex-chef de gouvernement Ali Benflis, aujourd'hui à la tête de Talaie El-Houriat, et l'ex-Premier ministre Abdelmadjid Tebboune. Hasard du calendrier ou concours de circonstances, les deux responsables ont annoncé le même jour leur volonté de postuler à la candidature en perspective de la prochaine échéance électorale. C'était ce jeudi à Alger. Mais avant même qu'ils n'entament l'opération de la collecte de signatures, loin d'être une simple sinécure dans les conditions politiques actuelles, encore plus pour Abdelmadjid Tebboune, éclipsé depuis une année, les deux anciens responsables n'ont pas tardé à s'échanger quelques piques, prélude sans doute à une féroce bataille entre les deux, si, bien entendu, le scrutin venait à être maintenu et s'ils parvenaient à aller à la rencontre des électeurs. Au terme du conseil national de son parti, Ali Benflis n'a pas hésité à qualifier la candidature de Tebboune de "5e mandat sans Bouteflika". Réplique, somme toute diplomatique, d'Abdelmadjid Tebboune : "Le citoyen algérien connaît qui est qui. Il attend des solutions, pas la diffamation et l'exclusion." "Les temps sont difficiles, ce n'est pas le moment de la polémique et du refus de l'autre", a-t-il affirmé. Mais si, au regard des réseaux dont ils doivent sans doute bénéficier au sein de l'administration et autres institutions, les deux candidats peuvent parvenir à répondre aux conditions exigées par la loi, il n'en reste pas moins que leur mission, c'est-à-dire la campagne, autant pour la collecte que pour convaincre les citoyens du choix de l'option, s'annonce laborieuse devant la détermination de la population à rejeter l'élection avec les figures du régime, comme on a pu le voir hier dans les principales villes du pays. Et déjà, même avant d'aller à la rencontre des citoyens, les deux anciens responsables ont probablement eu à mesurer hier le degré de leur… "réputation". "Ni Tebboune ni Benflis, le peuple président", scandait la foule à Alger. Dès lors, la question est de savoir à quoi jouent Benflis et Tebboune, sachant qu'ils ne peuvent se défaire de la détestable image de leur passif au sein du régime. Et que peut bien signifier ce duel annoncé entre les deux hommes ? S'agit-il d'un nouvel artifice pour créer une "fausse alternance" et une "pseudo-bataille", comme on l'a vu en 2004 ou encore en 2014 avec les résultats que l'on sait ? Ou incarnent-ils une lutte clanique ? Si le foisonnement des candidatures, composées essentiellement de la clientèle du régime et dont une bonne partie semble avoir été suscitée, vise à suggérer l'enthousiasme que provoque le prochain scrutin, il reste que la résurrection de deux figures qui ont servi sous Bouteflika aura du mal à convaincre la population de se rendre massivement aux urnes. À moins que d'ici à l'échéance le système y remédie par la prise de décisions déchirantes et de mesures d'apaisement dont la libération des détenus d'opinion. Mais nous n'en sommes pas encore là.