La grève de la faim a joué, tout au long des quarante et un jours qu'elle a duré, à la fois comme un carburant pour la protestation citoyenne et comme un formidable amplificateur du mouvement. Les détenus du mouvement citoyen de Kabylie ne mourront pas de faim. Voilà qui déplaira, à coup sûr, à ceux qui, au sein du pouvoir ou en dehors, misaient sur une issue tragique de la grève de la faim observée par Abrika et ses compagnons. Par cette décision de suspendre leur action, ces derniers empêchent un double souhait macabre de s'exaucer : la Kabylie ne brûlera pas et la protestation qui s'y déroule depuis près de deux ans ne perdra pas ses animateurs. Car, même emprisonnés, les délégués du mouvement n'ont pu être réduits au silence, encore moins à l'inaction. Mieux, leur grève de la faim a joué, tout au long des quarante et un jours qu'elle a duré, à la fois comme un carburant pour la protestation citoyenne et comme un formidable amplificateur du mouvement. Grâce à cette action assumée au péril de leur vie, l'opinion publique nationale et internationale, jusque-là soupçonnée d'indifférence devant la situation qui prévaut en Kabylie, a rompu son silence. Des milliers de personnes, en Algérie et à l'étranger, ont adressé leurs messages de soutien aux détenus et à leur mouvement, demandant instamment aux premiers de suspendre leur grève de la faim pour permettre au second de se poursuivre sans que s'embrase la région considérée par tous comme un bastion du combat démocratique qu'il faut préserver du chaos dans la perspective des luttes à mener pour sauver le pays de la dérive programmée par des dirigeants soucieux, avant tout, de pérenniser un régime aux abois. Parmi les voix qui comptent que cette grève de la faim a fait s'élever, celles des parlementaires européens qui ont interpellé leurs gouvernements respectifs ne sont pas des moindres. Pour Abrika et ses compagnons de lutte, la mission est donc bel et bien accomplie. Il était temps, par ailleurs, que soit prise la décision d'arrêter la grève de la faim, au demeurant aussi courageuse que celle qui a consisté à l'entamer. Cela permettra à ceux qui se sont enfin exprimés en faveur des revendications du mouvement citoyen de s'intéresser, non plus au seul sort des détenus, mais à l'avenir des luttes citoyennes en cours et à venir. De ce point de vue, toute diversion du pouvoir est écartée de fait, même si la libération des animateurs de la protestation doit rester une exigence démocratique. S. C.